Souvenirs de Cadillac de Joerg Huber / by herwannperrin


Une visite qui peut changer votre vision d'un lieu, c'est un peu ce qui s'est passé avec Joerg Huber lorsqu'il a découvert le château de Cadillac, lieu d'enfermement, prison de femmes.

Le projet et le livre sont nés de ce constat et de cet état des choses qui va de pair avec le lieu.

Retrouvez donc à la fois un livre de photos sous la forme de diptyques permettant de mettre en perspective un message laissé par ces femmes et une image, photographie explorant les arcanes du subconscient, de la situation, témoignage de part les textes de l'enfer que subissaient mentalement ces femmes.


Retour également sur un épisode qui a défrayé la chronique en son temps, le cas des soeurs Papin qui est ici revisité et ré-expliqué loin de toutes polémiques, cela éclaire et met en perspective. 

On lira également avec grand intérêt les textes provenant de nombreux contributeurs et notamment celui de Joseph Hanimann dont j'ai extrait quelques lignes :

"Les objets évoqués dans les salles du château de Cadillac peuvent être vus comme pris dans un tissu de fils d'Ariane, dans une toile de souvenirs de l'ancienne Maison centrale de force et de correction. Ils apparaissent alors comme des tentatives de chercher la sortie; une sortie qui ne donnerait pas sur un ailleurs extérieur, normal et sain, mais qui serait déplacement permanent de lanormalité dans un infini inversé. Par ce geste, ces objets racontent aussi la longue histoire de la folie, individuelle autant que collective, sur la frontière entre raison et déraison.
Cette frontière suivait les méandres des fleuves et rivières à l'époque où ce château fut construit. Michel Foucault a montré dans son Histoire de la folie à l'âge classique, comment l'exclusion par l'enfermement, pratiquée aujourd'hui, était exclusion réelle entre le Moyen Age et la Renaissance. par une peur de la contagion héritée des grandes épidémies, on éloignait les fous et les originaux des villes. Au lieu  de se regrouper dans des asiles, ils erraient au loin, embarqués dans des "Narrenschiffe", nefs des fous et bateaux ivres filant le long des fleuves et canaux de la Rhénanie et des Flandres notamment. Cette navigation sur l'eau, supposée purificatrice, nous est connue à travers les oeuvres de Sebastian Brandt ou de Jérôme Bosch.
Foucault y relevait un aspect qui nous intéresse particulièrement ici : c'est l'oscillation entre partage rigoureux (raison/déraison) et passage absolu. Ces errants dérivant sur leur folle nacelle symbolisent le départ vers l'autre monde et portent l'altérité ou l'aliénation en eux. Ils reflètent, écritFoucault, dans une géographie mi-réelle, mi-imaginaire, le privilège du fou d'être enfermé aux portes de la ville : "son exclusion doit l'enclore ; s'il ne peut et ne doit avir d'autre prison que le seuil lui-même, on le retient sur le lieu du passage. Il est mis à l'intérieur de l'extérieur, et inversement. Posture hautement symbolique, qui restera sans doute la sienne jusqu'à nos jours, si on veut bien admettre que ce qui fut jadis forteresse visible de l'ordre est devenu maintenant château de notre conscience". Pour la sortie, suivez les panneaux lumineux".

Voilà, une découverte intéressante en tout cas.  

Et puis pour ceux qui veulent connaître davantage le Château de Cadillac, allez y faire un tour ...

Toujours aux éditions Filigranes