Emil Nolde au Grand Palais [9/10] / by herwannperrin

Houps, dépêchez-vous, c'est une exposition à ne pas manquer et il ne reste que quelques jours pour en profiter... 

C'est tout simplement sublime, il n'y a rien à dire qu'à découvrir le monde peint par Emil Nolde (Hansen de son vrai nom). Avant de rentrer plus en détail dans l'exposition, ce qui saisit dès les premiers instants, c'est la lumière, cette lumière presque irréelle qui surgit, sort, émane des ces oeuvres, une beauté enivrante et entraînante. Un monde, enfin plusieurs qui s'offrent à vous : un parcours à la fois chronologique et thématique concocté de manière de maître par Sylvain Amic le commissaire de l'exposition. 

Une première rétrospective de l'oeuvre du peintre depuis 1969 à Lyon et en 1996 à la Seita. sinon, on ne reviendra pas sur la période de la guerre, globalement il semblerait que ce qui est prévalu soit la sauvegarde de son oeuvre.

Cela débute par ses peintures de la montagne enchantée (1897) reprenant des portraits d'hommes et de femmes, on est au début et c'est un peu particulier et grotesque mais c'est le début de sa reconnaissance, j'aime plus Avant le lever de soleil (1901), toile énigmatique et mystérieuse, un rien fantastique même je dirai, de toute beauté en tous les cas. Il y a des restes de grunewald à ce qu'il semblerait.
 Et puis on voit quelques unes de ces gravures sur bois, je dois dire qu'elles sont très expressives et d'une beauté sans fin, regardez ce visage de Prophète (1912) dans lequel transparaît toute la tristesse, la mélancolie du monde. Et encore, vous n'avez pas vu toute la finesse de l'Ami des animaux (1918) de  danse macabre (1918), des eaux-fortes sur acier ou encore de Enfants des bois (1911) qui me rappelle un peu les sarabandes de Matisse ou celle d'un sabbat... "Dûrer excellait au burin, Rembrandt à l'eau-forte et Goya à l'aquantine. Loin de moi l'idée de voir mes modestes plaques comparées aux oeuvres de ces grands maîtres, mais j'espérais que leur nouveauté technique fût reconnue [...]"



Et ces nuits de Berlin, à l'étage, quelles sont belles et que les couleurs vives et virevoltantes éclatent et s'expriment de manière subtile. N'oublions pas qu'Ada, sa femme était comédienne et qu'il a eu accès à tous les plaisirs de la nuit, des nuits berlinoise. Une période qu'il a peinte d'un bloc montrant les femmes dans leur beauté immanente et caricaturant les hommes et leurs soif d'aventures, de luxure. Un de mes tableaux préférés de cette période est sans conteste Au café (1911) et Slovènes (1911) le premier montrant cet homme à la tête verte et les traits marqués du second ou encore cette merveilleuses toile Danseuses aux bougies(1912) "(...) venaient ensuite les cafés, peuplés de fauves des rues impotents au teint de poudre, livides comme des  cadavres, et de demi-mondaines fébriles vêtues de robe à l'élégance audacieuse, qu'elles portaient comme des reines. Et puis c'était la plongée dans la fumée des bars de nuits ou des benêts de province, assis l'air penaud avec des prostituées s'assoupissaient, ivres de mousseux."
les voyages sous les tropiques, la nouvelle-Guinée notamment permettent à Emil Nolde de peindre des autochtones mais dans celles-ci c'est plutôt Deux russes (1915) que j'aime, Soleil des tropiques( 1914) aussi pour ces couleurs flamboyantes, cette toile irradie le ciel et la pièce, les reflets donnent des envies de départ et de perdition

Avec les images non peintes, ces aquarelles qu'il a fait alors qu'il avait été interdit de peinture, on continue le voyage, son voyage, son évolution à travers des couleurs qui se fondent les unes dans les autres, ou la folie et le fantastique ressurgissent un peu comme au départ mais très différemment, de manière plus fine, plus subtile, une touché, un doigté, des ciels sans fond, des couleurs qui irradie et je pense notamment à Couple (Phantassien) -1931-1935) Amie (1938-1945) et bien entendu, ma préférée Animal et femme (1931-1935). Il retrouve ou continue avec cette interdiction d'être inspiré, sortes de visions intérieures superbes. Regardez aussi Coucher de soleil sur les montagnes bleues (1938-1945), Maisons frisonnes et Nuages du soir (1938-1945) ou encore Vaisseau de guerre et Vapeur brûlant (1938-1945). Des couleurs intemporelles, évanescentes et fusionnelles; un soleil resplendissant et feutré qui chauffe l'âme... des reflets qui subjuguent... une beauté extrême. 

Les scènes religieuses qui sont assez présentes dans son oeuvre ont fait couler quelque encre... on se doute facilement pourquoi lorsque l'on rentre dans cette salle dans laquelle domine ce polyptyque de 9 scènes dans lequel on retrouve un christ complètement désincarné. La religion l'a toujours suivi dans sa vie, il a même failli être prêtre a l'adolescence. Des scènes d'une grande beauté, un christ humain, des visages emplies de tristesse, une scène de résurrection étonnante et des regards qui en disent long, une représentation profane si belle...
Les paysages sont également présent tout au long de l'ouvre de Nolde, son attachement à la mer également. Il vit à la campagne et parvient à capter sur certaines de ces toiles toute la mélancolie de certaines journées qui de pluvieuses et grises deviennent à travers le regard du peintre des instants de bonheur infinis, il s'agit notamment du tableau Ferme de Hülltoft (1932) "Eprouver la nature en y insufflant sa propre âme, son esprit, transforme à l'inverse le travail du peintre en art. je m'efforçais de ressentir ce type de sensations. Souvent, je me retrouvais face à une nature grise et prosaïque mais qui, grâce au soleil, au vent et aux nuages pouvait soudain devenir d'une richesse dispendieuse"
Pour la mer, on s'attardera sur la dernière salle avec Nuages d'été (1913), souvenir d'un petit voyage qu'il fit à Anholt, une île au milieu de Kattegat "Ce jour est resté si présent à mon esprit que, des années plus tard, je continuais de m'en inspirer pour peindre mes vues de mer où ondoient de redoutables vagues vertes, avec tout en haut une simple bande de ciel jaune". Et restez admirer et vous perdre dans les couleurs de Mer d'automne XI (1910), on pourrait presque sentir les bourrasques, le ciel et la mer démontée
Et puis il y a aussi Enfant et Grand oiseau (1912)... bon allez je vous laisse, allez-y il n'y a pas grand chose à dire de plus...

Ah, je vous conseille également d'acheter, de partir avec si pas le catalogue de l'exposition (45e), le numéro Beaux Arts sur Emil Nolde et pour les tableaux, l'album de l'exposition édité par la RMN


Attention, il n'y a plus que quelques jours et cela vaut franchement le coup, alors n'hésitez pas et choisissez les billets coupe-file et digitick est parfait dans le genre...., c'est le meilleur moyen de profiter rapidement de l'exposition sans passer des heures à faire la queue dans le froid...