Les yeux rouges à la salle Boris Vian de la Grande Halle du Parc la Villette / by herwannperrin




Je n'ai malheureusement pas encore pu voir Les LIP l'imagination au pouvoir mais c'est bien de cela dont il s'agit. En exergue de la pièce, projeté sur une toile on peut lire :

"Début 1973, alors que la direction de l'entreprise est prête à jeter l'éponge du fait d'une situation financière catastrophique, des syndicalistes mettent la main sur une
pochette de documents, émanant de la direction, qui les renseigne sur les mécanismes d'une faillite organisée : un conglomérat d'horlogers suisses a oeuvré pour rentrer dans le capital de l'entreprise et finalement devenir majoritaire. Ils ont ensuite limogé son président charismatique,Fred Lip, et ainsi éliminé un concurrent gênant en vidant ses caisses.

Les syndicats décident de contre-attaquer en informant tous les salariés de l'usine ainsi que les médias. Un fort courant de sympathie naît alors dans l'opinion publique.
Mais malgré tout ce travail de sensibilisation, rien n'évolue et la liquidation administrative est planifiée.

C'est à ce moment que les salariés de Lip rentrent dans l'histoire en décidant de reprendre la fabrication des montres. Les « Lips » produisent et s'organisent pour vendre leurs montres mais ils n'ont pas l'intention pour autant de se mettre en autogestion, ils attendent que patrons et pouvoirs publics conçoivent un plan de relance.

Un mois après, les Lips se payent sans hiérarchisation de salaire. Le lendemain, les gardes mobiles pénètrent dans l'usine de Palente et expulsent les Lips qui gardaient le lieu. Les salariés avaient prévu cette éventualité et avaient dissimulé leur trésor de guerre, c'est-à-dire les montres qu'ils avaient fabriqués. Ils continueront ainsi durant tout le mouvement à fabriquer, vendre et se payer. De grandes manifestations de soutien s'organisent partout en France et en Europe. Le 29 Septembre 1973, 100 000 personnes se réunissent pour une grande marche autour deBesançon.

Fin Janvier 74, après 300 jours de lutte, le projet de relance Neuschwander est accepté par tous les partenaires sans aucun licenciement".

Une pièce mise en scène par Julien Bouffier sur un texte de Dominique Féret et interprété par la Cie Adesso e Sempre.

C'est à la fois beau et très chiant. Beau pour l'idée, pour le théâtre engagée, pour l'aspect documentaire sur le conflit ouvrier de l'usineLIP en 73 à Besançon , sur cette première étape du libéralisme, il y a près de 35 ans d'ici. C'est intéressant de revenir à rebours et de voir, probablement un des premiers conflits majeurs ou en tout cas un de ces conflits qui préfiguraient à l'époque ce qui allait advenir, ce qui est aujourd'hui passé dans les moeurs.

Théâtre engagée donc avec un texte qui mérite d'être lu mais dont la mise en scène pêche à plusieurs niveaux.
Dans un premier temps il s'agit des acteurs eux-mêmes où il s'avère ni avoir sur les 4 femmes qu'une seule et véritablement touchante actrice. D'ailleurs j'aurai bien continué à écouter les histoires de cette ouvrière qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui a une relation privilégiée avec un ingénieur. Une très belle histoire de vie, faites de petits riens juxtaposés mais qui sonne vrai, qui donne envie d'aller plus loin avec elle; elle est exceptionnelle mais c'est malheureusement bien la seule.

Côté décors, l'idée du voile et de la voix off qui discute est très bonne mais on se lasse quand même assez vite des jeux de lumières, certes très agréables, projetés sur la toile, diffraction luminescente étonnante. Trois parties si l'on peut dire chacune d'elle entrecoupée d'une chanson, la première une valse passe, la deuxième, valse également moins bien que cela soitBrel et quand à la troisième chanson, elle parle de part le texte mais cela ne correspond pas réellement avec les propos, trop contemporain sûrement même s'il y a de belles vérités sur la vie sociale aujourd'hui et la jeunesse perdue également...

Les fragments d'interviews proposés par Julien Bouffier ne constituent pas une assez grande unité, c'est probablement fait pour des personnes d'une génération ayant connu les LIP... ou ayant vu le film pour compléter une première approche.

C'est dommage, car on sent ce qu'il y a derrière ces interviews, ce moment de grâce d'un ensemble collectif qui a oeuvré et réalisée une grande action pour le bien commun, pour l'intérêt commun et le bien de tous. Cette résistance et cette envie de vivre, de construire et d'avancer, de ne pas reculer devant un état de fait imposé. Cette lutte exemplaire qui a d'ailleurs été reconnu et cette "possible émancipation d'un système socio-économique libéral et machiste, par le pouvoir de l'imagination". Dans cette période, les personnes se sont dépassées, elles ont tout simplement changées et sont devenues autres grâce à cet engouement à cette force qui les menait... qui les guidait

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Des invitations gratuites sur le site de Billet reduc pour aujourd'hui 25 octobre et sinon, le site du Parc de la Villette et des rencontres de la Villette 2007.