La Chute et les justes de Camus / by herwannperrin


Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu Les Justes, environ 15 ans je dirai... Et, pour ce qui est de La Chute, c'était une première, dommage d'ailleurs que je ne l'ai pas lue avant? En tout cas, il est bien évident que dans des styles tout à fait différents quoique finalement assez proche, il est impératif de s'arrêter sur ces deux textes et si besoin d'y revenir.

 

 

La Chute, c'est le récit d'une vie, de plusieurs vies, de moments de vies, c'est nous, vous, ils et puis lui, Jean-Baptiste Clamence qui revient sur lui, sur ce qu'il est profondément, sur ce qu'il a été, sur ce qu'il sera à tout jamais et ce qu'il ne sera plus jamais aussi depuis cette nuit où sa vie a basculé ; cet instant qu'il a repassé mentalement des milliers, voire des millions de fois, cet instant où il a choisit car au final on choisit toujours mais il a été rattrapé, happé et grignoté intérieurement par le mal, cette gangrène sans fin.

 

Il essaye maintenant d'être à la fois un juge/pénitent, personne n'est assurément innocent dans ce bas monde comme l'indique ce cher Clamence : « Du reste, nous ne pouvons affirmer l'innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous. Chaque homme témoigne du crime de tous les autres, voilà ma foi et mon espérance. Croyez-moi, les religions se trompent dès l'instant qu'elles font de la morale et qu'elles fulminent des commandements. Dieu n'est pas nécessaire pour créer de la culpabilité, ni punir. Nos semblables y suffisent, aidés par nous-mêmes. Vous parliez du Jugement dernier. Permettez-moi d'en rire respectueusement. Je l'attends de pied ferme : j'ai connu ce qu'il y a de pire, qui est le jugement des hommes ».

 

Clamence, l'archétype de l'homme qui sait qu'il n'y a rien, qu'il n'y a que les Hommes sur cette terre et cela lui suffit bien déjà, amplement même...

Pour quelques éléments complémentaires à lire après la lecture du roman, j'aime bien cette page perso

 

Les Justes, pièce de théâtre en 5 actes tirée d'un fait divers réel? recomposition par Camus d'un dialogue possible entre les participants d'un groupe de terroristes appartenant au parti socialiste révolutionnaire qui ont organisé un attentat contre le grand-duc Serge en Russie en Février 1905.


 

Kaliayev, poète et héros de ce drame est le vrai nom de celui qui a tué le Grand duc Serge

 

 

 

Mais au-delà ce cet acte, c'est le refus de la mort inutile, l'interrogation sur la révolution et ses conséquences, sur la nature des actes commis, sur la nécessité d'aller plus loin que soi, d'oeuvrer pour le bien de tous et de faire parti des Justes.

 


Kaliayev, devant la Grande-duchesse refuse la religion et sa grâce, son pardon. Il est un Homme parmi les Hommes et il peut déclarer lorsqu'on lui présente le crucifix avant sa dernière heure « Je vous ai déjà dit que j'en ai fini avec la vie et que je suis en règle avec la mort ». Il est question du prix de la vie, des vraies valeurs et de sacrifice.


 

La première bombe n'est pas lancée car Kaliayev voit des enfants, des enfants innocents et il ne peut pas, il ne peut pas tuer des innocent, ce n'est pas sa conception de la Justice. Il n'avait pas prévu cet état de fait, tout est à recommencer?

 

Voinov n'a plus la force, il avait rassembler ce qu'il avait de courage pour cet instant. Stephan, lui ne comprend pas ce geste de retenu, il est différent, sa révolution et sa Justice sont aveugle, c'est la cause qui prévaut, avec lui, c'est le début de la fin et la perversion du système?


 

Et pour Dora et Kalliayev, l'Amour est impossible « L'été, Yanek, tu te souviens ? Mais non, c'est l'éternel hiver. Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes. Il y a une chaleur qui n'est pas pour nous. Ah pitié pour les justes ! ».


 

Tuer pour rester pur pour sauver : « Non. J'ai choisi de mourir pour que le meurtre ne triomphe pas. J'ai choisi d'être innocent ». Pour Kalliayev, il n'y a pas de meurtre, de crime : « Quel crime ? Je ne me souviens que d'un acte de justice. »


 

Imaginez cette pièce avec aux commande le 15 décembre 1949 Maria Casarès, Michèle Lahaye, Serge Reggiani et Michel Bouquet?. en représentation au Théâtre Hébertot, cela a dû un être un grand moment. Et comme indique Camus en exergue, O love ! O life ! Not life but love in death [ Roméo et Juliette ? Acte IV, scène 5]

 


Écoutez un bref extrait de la pièce Les Justes donnée en Avril-Mai dernier à l'Athénée, théâtre Louis-Jouvet ... et puis lisez lisez chers amis c'est galvanisant.