Putain de Guerre (T.1) 1914, 1915, 1916 de Tardi et Verney [10/10] / by herwannperrin




Avis à tous, un grand monsieur que Jacques Tardi, on le sait déjà mais il vient encore de franchir un cap avec Putain de Guerre ! (1914 - 1915 - 1916) à la fois une bande dessinée au langage soutenu, un monologue d'un de ces poilus ressortit de l'enfer, une déclinaison de trois années de guerre et une histoire de la guerre par Verney, un excellent doublé qui permet à la fois de se rendre compte du quotidien de ces hommes, de cet enfer dans lequel ils ont été envoyés, abandonnés à leur sort et dont ceux qui sont sortis n'auront jamais été les mêmes.

"C'était nous les petits soldats français sous un soleil de plomb, les pieds dans les champs de blé, la tête au champ d'honneur, la trouille au ventre et la merde au cul" Voilà, on est en 1914 et c'est juste le début de cette sale guerre qui va s'enliser dans les années. le départ des français vers le front, le départ des allemands vers la France et puis la boucherie qui commence, l'absence d'équipement adapté, la mort qui rode et la guerre qui s'enlise, les tranchées sont les tombes de ceux qui sont encore en vie. La boucherie et le sang peut continuer, les chairs qui explosent, les conditions extrêmement rudimentaires de survie. Le piège des tranchées est là qui mine la vie, les hommes jusqu'à vouloir se mutiler voire en mourir... la guerre dans toute son horreur, l'enfer a portée de main, les odeurs pestilentielles qui émanent de ces chairs, de ce bourbier humain. 

"C'est là, au coeur du brasier, que que les aurais voulus, tous les gros malins : Joffre le président, le kaiser et ses ministres, les curés, tous les généraux, et ma mère pour m'avoir mis au monde"

En lisant ces lignes, on s'accroche et on se désespère du genre humain parfois des situations individuelles qui sont absurdes. Puis il y a aussi la mission civilisatrices, le renfort de la "Force Noire" par la France, les renforts des colonies britanniques éduquées... le sacrifice devrait-on plutôt dire... et Joffre dans sa folie qui s'entête alors que les morts tombent comme des mouches jusqu'à 25000 par jour, c'est énorme, le bilan de cette guerre sera impitoyable. 

"Tout ça ne ressemblait plus à rien. dans le Grand chaudron où on était, on s'efforçait de tenir des positions dérisoires au beau milieu d'une décharge publique - une sorte de morgue en plein air"

Puis c'est la guerre chimique qui commence, l'ypérite et les conditions rudimentaires de protection, l'horreur qui se poursuit d'une autre manière, le minage et la destruction de villages entiers, la promiscuité et le manque de renforts, l'absence de stratégie et l'appel à la cohésion nationale, au sursaut, Peguy mourra dans cette sale guerre en 1914 : "Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, pourvu que ce fût dans une juste guerre", on se demande bien ce que peut être une guerre juste, en tout cas pas celle-ci... la guerre se mécanise, s'industrialise, les hommes tiennent dans la somme, à Verdun, les allemands n'arrivent pas à avancer... 

Un terrible récit sur la guerre, sur ces hommes qui compose les bataillons de morts vivants et qui n'attendent que la délivrance....


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