Mirages et solitudes de Gérard Macé / by herwannperrin



Partez à la découverte de l'univers de Gérard Macé. Il parcourt les villes de son pas et chemin faisant, il glane de ci de là des moments et les associent à des réflexions personnelles pertinentes. Un regard sur le monde proche qui nous entoure qui sort de l'ordinaire. A regarder rapidement ces photographies anodines, vous n'y trouverez apriori que peu de choses; c'est un peu le paradoxe de la composition du livre. Un premier passage rapide peut être puis on tombe sur les légendes qui accompagnent quelques unes des photographies et alors, là s'ouvre un autre monde plus dense et plus personnel mais également ouvert sur le monde et sur la vie.

Il faut prendre le temps de regarder, d'humer les textes et les images qui déjà d'un autre temps ne sont plus. Mirages photographie d'un instant T qui disparaît à jamais mais qui est figé dans la mémoire de la photographie, dans celle de notre esprit aussi qui reconstruit son histoire à travers lemedium, qui en recompose certaines bribes du moins.

Une réflexion sur la condition de mannequin, des ces êtres parfois presque humain qui compose notre quotidien pour nous renvoyer une image presque parfaite de nous : s« Ni chair ni poisson, les mannequins sont les derniers avatars des sirènes, qui flottent entre deux eaux dans les transparences et les reflets de nos vitrines. Ahuries de se retrouver dans nos villes, soumises aux caprices de la mode qui leur rend une apparence humaine, mais qui annonce peut-être la fin de leur adolescence millénaire. Parfois sans visage et sans bras, elles se déguisent aussi en bustes de couturière, mais je préfère des mannequins plus complets, des effigies moins tronquées, en un mot des figures plus aguichantes, dont le réalisme qui n'omet aucun détail est si troublant quand elles sont nues, car leur corps sans défaut est lisse entre leurs jambes, comme si les sirènes sorties de l'eau avaient retrouvé tous les attributs de la féminité, sauf un.»

Une autre sur la condition de la femme avec cette photographie prise en 2002 au Yemen, à Sanaa : "A défaut de la femme, c'est la ville elle-même qui exhibe son corps et ses parures, qui séduit le passant, fait miroiter des promesses qu'elles ne peut pas tenir, de même que tout Européen éveille des rêves de partance dans le coeur des jeunes filles, dont elles doivent aussitôt faire leur deuil. On se frôle, on s'effleure, on se croise du regard et l'on essaie d'éviter la frustration, car la tradition nous enchaîne avec des anneaux invisibles, aussi sûrement qu'avec des bracelets de cheville"



Ici, le texte parle de lui-même : "Etait-il encore vivant cet homme enroulé dans un rideau, comme d'autres dans leurs rêves ou dans leurs draps ? Le visage creusé par la fatigue, l'ivresse ou la drogue, il donnait l'impression d'avoir fabriqué son propre reliquaire ou d'avoir tissé une chrysalide pour renaître en momie inca comme celle qu'on promenait une fois par an dans la capitale, le visage recouvert d'or. C'est quand j'ai vu sa poitrine se soulever légèrement que j'ai pu arrêter ma propre respiration, pour appuyer sur le déclencheur".

Enfin une réflexion sur les apparences parfois trompeuses, parfois vivantes et mouvantes égalemnt, un deuxième ou xième monde qui s'offre à notre regard : "Le poète anglais W.H Auden en fait la remarque dans ses Essais critiques : "Reflétés dans un miroir, une pièce ou un paysage semblent plus solidement installés dans l'espace que si on les regarde directement". La raison en est simple : c'est que le monde des miroirs est incorruptible, car on ne peut ni le souiller ni le saccager, encore moins sauter dedans à pieds joints. Dans l'univers de nos villes, les reflets innombrables ajoutent encore à la complexité du réel, d'autant que les parois de verre et les miroirs ont pris des aspects imprévisibles. Il leur arrive même d'épouser la courbure de la terre : c'est ainsi qu'àBarcelone, sous l'auvent d'un immeuble neuf, en bord de mer, j'ai eu l'impression en levant les yeux de voir marcher les hommes des antipodes, étonné comme toujours qu'ils n'aient pas la tête en bas "

Voilà, une invitation à la lecture du texte et des photographies de Gérard Macé

Plus de détails sur la biographie de Gérard Macé sur le site Internet des éditions Le temps qu'il fait