Chroniques Birmanes et Shenzhen de Guy Delisle / by herwannperrin


Chronologiquement c'est d'abord Shenzhen (2000) puis Chroniques Birmanes (2007) mais pas dans mon ordre de lecture...

Shenzhen, c'est la Chine et non pas son réveil mais son rythme de croisière actuel, sa faculté d'absorption, son appétit tentaculaire et son mode de vie particulier. Car avant tout, c'est la vie de Guy Delisle , sa vie qu'il dessine, qu'il raccourcit mais dont il nous donne ici les grandes directions pendant ce séjour dans un studio d'animation; il est mandaté par le studioDupuis-Animation pour superviser l'animation de la série Papyrus, réalisée en sous-traitance à Shenzhen (en banlieue de Hong Kong).

L'étranger qui débarque et qui essaye de voir ce qu'il peut faire et sa vie quotidienne, au jour le jour, presque dans cette ville perdue au milieu de tout ou personne d'autre que lui à part quelques étrangers presque invisible d'ailleurs vivent. Chronique d'une vie grise qui se passe d'un de ces moments d'existence ou les jours se suivent et se ressemblent étrangement, ou le rythme du travail et du gris prend le dessus sans malheureusement qu'il puisse faire quelque chose. Il n'y a pas encore de dépression mais il faut une sacrée force morale pour rester soi; le dessin doit aider assurément. L'ennui, la terrible peur qui ronge tout et surtout la vie qui veut s'épanouir.

En fin de compte une très belle bande dessinée qui date de 2000 et qui retrace des moments de vies de la Chine actuelle.

Petite mise à jour : Dans le journal le Monde du 1er janvier 2008, on peut lire : "Le salaire minimum mensuel n'est pas uniforme. Il s'élevait, début 2007, à 810 Yuans (75 euros) à Shenzhen, à 780 yuans à Guangzhou, à 650 yuans à Dalian ou encore à 750 yuans à Shanghaï. A Pékin, dans la capitale chinoise, il n'atteint que 640 yuans". Heureusement... la Chine vient de se doter d'un droit du travail emportant obligation aux employeurs de fournir un contrat de travail écrit à leurs employés mais on verra dans la pratique comment cela se passe d'ici quelques mois, déjà des contestations se mettent en place au niveau des employés sur la nature de la rédaction du contrat....

Pour Chroniques Birmanes, eh bien le dessin est plus clair, la vie est là qui offre à Guy, Louis, un petit garçon que lui a donné nadège, une coordinatrice MSF avec qui il part pour près d'un an à Myanmar, le pays de Kessel mais aussi le pays de l'opium et du prix Nobel Aung San Suu Kyi arrêté depuis "le 20 juillet 1989, le gouvernement militaire lui propose la liberté à condition qu'elle quitte le pays, ce qu'elle refuse. Elle est mise plus tard en liberté « surveillée »". Cela durera jusqu'à très récemment.

"Le 25 mai 2007, le régime militaire birman a une nouvelle fois prolongé d'un an l'assignation à résidence d'Aung San Suu Kyi. Le 22 septembre 2007, l'opposante birmane assignée à résidence depuis 2003, est exceptionnellement sortie brièvement en pleurs de sa maison à Rangoun pour saluer des moines bouddhistes qui manifestent contre la junte militaire, pour la cinquième journée consécutive. Le 24 septembre 2007, Aung San Suu Kyi a été enfermée à la prison d'Insein".

Plus récemment, on pouvait lire dans le Monde du 8 décembre dernier : "expulsion, mardi 4 décembre, du chef de l'équipe des Nations unies en Birmanie, Charles Petrie, confirme la ligne dure adoptée par la junte face aux pressions de la communauté internationale deux mois après la répression du mouvement contestataire qui avait secoué les principales villes du pays. Le régime militaire avait été ulcéré par des déclarations de M.Petrie , le 24 octobre, mettant l'agitation d'août et de septembre sur le compte de l'incapacité du pouvoir à satisfaire les « besoins de base » de la population." et de poursuivre le dans le Monde du 13 décembre : "Si le régime [militaire birman] continue à ignorer les appels à une véritable transition démocratique et à la libération de [la figure de proue de l'opposition]Aung San Suu Kyi et d'autres prisonniers politiques, les Etats-Unis sont prêts à prendre la tête d'efforts internationaux pour imposer davantage de sanctions », a averti le président américain dans un communiqué réagissant au rapport rédigé, à son retour deBirmanie, par le Brésilien Sergio Pinheiro, enquêteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme dans ce pays.
Autorisé pour la première fois en quatre ans à se rendre sur le terrain, le diplomate brésilien a estimé que la répression de septembre et octobre à l'encontre des manifestations initialement emmenées par les moines bouddhistesbirmans avait fait au moins 31 morts et 74 disparus, et conduit un minimum de 653 personnes en prison. M. Bush, « profondément ébranlé » par ces affirmations, a appelé la communauté internationale à « condamner dans les termes les plus forts possibles [ces] atrocités".

Difficile rapport que celui des démocraties avec les dictatures... Quel est la solution à adopter...

Pour revenir à la chronique de vie de Guy Delisle, là-bas, à la lecture de cet opus on peut se faire une bonne idée de la vie là-bas, de la difficulté du travail des ONG "libres" de faire ce qu'elles sont venues faire ce qui reste souvent très compliqué surtout si les ONG ne veulent pas se laisser instrumentaliser. A l'époque j'avais lu de Jean-Christophe Ruffin le Piège humanitaire en 1986, l'Empire et les nouveaux barbares en 1991 puis Économie des guerres civiles avec François Jean en 1996 qui donnent une bonne vision de l'humanitaire; peut être date t-il un peu mais cela permet de donner les enjeux et essayer d'éviter quelques pièges... Également la vie des expatriés qui pointent son nez dans cet album, la censure qui pointe son nez avec le découpage systématique de tous les magazines, le filtrage des connexions extérieures avec Internet par exemple, ou encore la décision de la junte de déplacer pour on ne sait quelle raison la capitale dans l'intérieur des terres, pour être "au centre de tous lesbirmans"... le piratage des films mis à disposition, les batailles d'eau, l'épisode Total et une explication... l'importance des groupes électrogènes

Une chronique tranquille d'une vie qui passe, c'est vrai que cela fait un peu journal de voyage et qu'il n'y a peut être pas le ton de Shenzhen par exemple mais cela reste une bonne chronique d'un pays que l'on ne connaît pas ou peu; cela m'a redonné envie d'approfondir un peu plus le sujet donc pour moi c'est le principal...

A vous de voir....