L'impossible photographie, prisons parisiennes (1851-2010) au Musée Carnavalet [8/10]
Une exposition sur les prisons françaises, plutôt les prisons parisiennes de 1851 à nos jours.
Aujourd'hui il n'y a plus que la prison de la santé qui soit encore en partielle activité mais cela permet de découvrir les innombrables prisons qui ont vue le jour puis ont été fermé à Paris : la conciergerie, La Force, la Grande et Petite Roquette, Saint-Lazare, Sainte-Pélagie, Mazas, L'Abbaye, le Cherche-Midi, l'Hôtel des Haricots, la conciergerie, la Santé ?.
Une exposition de près de 340 clichés sur l'univers carcéral, un grand absent : les hommes, femmes, enfants ou adolescents qui peuplent ses lieux d'enfermement. La photographie comme medium pour pénétrer en partie dans cet univers, un univers difficile à photographier, les autorisations sont rares et connaître l'envers du décor pas facile. Certains photographes ont pu comme cela est présenté resté un peu plus longtemps que d'autres mais cet univers a toujours été un lieu difficile d'accès
Le fonds de photographies récoltés ne s'élève qu'à 3800 clichés sur une période qui s'étale de 1851 à nos jours?.
Une exposition à la dense et didactique. Le découpage par prison permet de se concentrer sur le lieu, ses occupants, sa création dans le temps, la nature et le type de prison dont il s'agit selon les différentes théories du moment.
Des vues aériennes qui permettent pour certains institutions carcérales de voir l'agencement des dortoirs/cellules, les différentes ailes, les lieux de « promenade »,? des vues intérieures évidemment, celle du début où l'on sent la saleté, les débuts puis le rétrécissement de l'espace vital jusqu'à aujourd'hui où certaines cellules semble plus humaine et les moyens de chacun pour essayer d'améliorer son quotidien, les chauffe-plats avec un tube d'harissa quelques canettes,... Egalement beaucoup de photographies des infirmeries, le poêle au centre, quelques religieuses et les prisons de femmes, le pourcentage de détention pour les femmes est dès plus bas de nos jours.
Assez intéressant de voir la Conciergerie actuel en tant que dépôt également avec quelques photographies impressionnantes, une vue de l'intérieur par un détenu, photo prise avec un portable, des sortes de cages à hommes, cela fait froid dans le dos.
Également les centres de redressement pour jeunes enfants avec auparavant une loi qui permettait au père d'enfermer ses enfants jusqu'à leurs 21 ans, sous contrôle judiciaire mais assez léger à ce qu'il semblait. Heureusement on en est plus là.
Un regard sur la peine de mort, ses conditions d'exécution en public tout d'abord puis dans la seule enceinte de la prison ensuite jusqu'à, enfin, son abolition avec Badinter et Mitterand en par la Loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort.
A la grande Roquette : "Ce n'est que le 29 novembre 1851 qu'un nouveau décret modifie l'emplacement des exécutions parisiennes. On guillotinera désormais à l'entrée de la Grande Roquette, dans la rue. Quelques jours plus tard, des maçons cassent le pavage de la rue et installent cinq dalles rigoureusement plates dans le sol. Ces dalles sont destinées à accueillir les pieds de l'échafaud, d'où le nom d'« abbaye de cinq-pierres », trouvé par un facétieux pour désigner ce lieu. Trois semaines après le décret, le 16 décembre 1851, les portes de la prison s'ouvrent devant un assassin, Humblot, lequel n'a que vingt pas à faire pour se retrouver sur la bascule de la guillotine. Son bourreau se nomme Heidenreich. Le 17 juin 1872, Roch, successeur d'Heidenreich, exécute devant la prison, Moreux, assassin d'une prostituée, mais sans avoir recours à l'échaufaud, provocant ainsi la colère de la foule qui ne voit guère que le sommet de « la Veuve ».
Soixante-neuf condamnés à mort (dont une femme, Marie-Madeleine Pichon) seront finalement exécutés rue de la Roquette. Le dernier, Peugnez, fut décapité à l'aube du 2 février 1899, peu avant la fermeture de la Grande Roquette."
Une exposition qui donne à réfléchir et à se replonger dans "Des délits et des peines" de Beccaria, "Surveiller et punir" de Michel Foucault ou encore se plonger dans Histoire du droit pénal et de la justice criminelle de Jean-Marie Carbasse.
N'oublions pas que les lieux pour ainsi dire vide présentés lors de cette exposition sont, dans la réalité, loin de l'être. Sur Wikipedia, on peut lire :
"* 1er juillet 2008 : 64 250 détenus. Le nombre de place n'était pas indiqué à cette date, la densité ne peut pas être calculée, elle était néanmoins de 126% en juin 2008, un record absolu. En septembre 2008, l'ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou estimait le nombre de places au 1er juillet 2008 à 50.610.
Dix établissements ou quartiers ont une densité supérieure à 200%, 42 ont une densité comprise entre 150 et 200%, 51 entre 120 et 150%, 36 entre 100 et 120 % et 87 ont une densité inférieure à 100 %. La construction des 13 000 places supplémentaires, décidée en 2002, devrait être achevée en 2011 : près de 63 500 "places opérationnelles" seront alors disponibles".
A consulter également : http://prison.eu.org/
En tout cas, une exposition assez réussie et qui est en place jusqu'au 4 juillet prochain