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Les mythes vikings : quand Arte ranime les sagas du Nord
Avec sa nouvelle série documentaire sur les mythes vikings, Arte nous invite à plonger dans un univers à la fois brut et fascinant, où dieux, héros et monstres se disputent les cimes glacées de l’imaginaire nordique. Loin des clichés du grand écran ou des représentations modernes trop lisses, cette production explore la richesse et la profondeur des sagas scandinaves en les reliant à leur contexte historique, social et spirituel. Une odyssée captivante qui navigue entre l’Histoire, la légende et la psychanalyse collective.
Ragnarök et cosmogonie : des récits intemporels
Dès les premiers épisodes, la série s’attache à déconstruire les idées reçues sur les mythes vikings. Le Ragnarök, souvent réduit à une apocalypse spectaculaire, est ici présenté comme bien plus qu’une fin du monde : un cycle de destruction et de renaissance, profondément enraciné dans la vision nordique d’une nature impitoyable mais régénératrice.
De la naissance du monde à partir du géant Ymir aux batailles épiques opposant dieux et géants, chaque mythe est raconté avec une précision érudite. Des spécialistes – historiens, anthropologues et linguistes – interviennent pour éclairer ces récits, tout en soulignant leur étonnante modernité. Les mythes vikings, loin d’être figés, parlent encore à nos angoisses contemporaines : le changement climatique, l’équilibre précaire entre nature et civilisation, ou encore la quête de sens face à l’inéluctabilité de la mort.
Une mise en scène immersive
L’esthétique de la série est l’un de ses grands atouts. À travers des reconstitutions sobres mais puissantes, Arte évite le piège du spectaculaire pour privilégier une approche évocatrice. Les paysages nordiques – fjords embrumés, forêts infinies, volcans endormis – deviennent les véritables protagonistes, incarnant l’esprit des récits. Les illustrations animées, inspirées de l’art nordique ancien, ajoutent une dimension visuelle qui rappelle les gravures des Eddas et les sculptures runiques.
Mais la véritable force de cette série réside dans son montage narratif. Alternant scènes fictives, interviews d’experts et analyses visuelles d’objets historiques – comme le bateau d’Oseberg ou des amulettes à l’effigie de Thor – elle tisse un récit dense mais accessible, qui ravira aussi bien les amateurs de mythologie que les néophytes.
Les dieux, reflets de nos contradictions
Loin de l’idéal héroïque qu’on pourrait attendre, les dieux vikings apparaissent ici dans toute leur complexité. Odin, le dieu suprême, n’est pas seulement le sage visionnaire pendu à l’arbre Yggdrasil pour acquérir la connaissance des runes ; il est aussi rusé, manipulateur, prêt à tout sacrifier pour asseoir son pouvoir. Thor, avec son marteau Mjölnir, est à la fois le protecteur des hommes et un guerrier impulsif. Quant à Loki, le dieu fourbe et imprévisible, il incarne la dualité, oscillant entre allié et destructeur.
Ces figures mythiques, profondément ambivalentes, reflètent une conception du monde où la lutte, le chaos et l’ambiguïté sont des forces nécessaires à l’équilibre. Un contraste saisissant avec les mythes gréco-romains, où l’ordre et l’harmonie prévalent.
On était des loups : Quand Sandrine Collette gronde avec la nature humaine
Sandrine Collette a l’art de ciseler des récits bruts et intenses, où la nature sauvage devient miroir de l’âme humaine. Avec On était des loups, l’autrice nous livre un roman d’une puissance tellurique, une odyssée intérieure qui happe et dérange. À travers une langue taillée à la serpe, elle explore les failles de l’instinct, la violence de la survie et la quête d’une humanité possible dans des paysages aussi beaux qu’implacables.
Le loup en nous
Tout commence par une scène d’une brutalité sidérante ! que je vous laisse découvrir… C’est le début d’une histoire, d’une rencontre et d’un cheminement à travers des territoires farouches, avec un véritable retour à l’état primal. Mais ce n’est pas tant la nature extérieure qui fascine ici que celle, plus insondable encore, des personnages eux-mêmes.
« On était des loups », dit le titre. Des prédateurs, peut-être. Des êtres guidés par des instincts anciens, souvent égoïstes, parfois protecteurs. Sandrine Collette excelle dans l’art de capter cette ambivalence : le loup comme image de la solitude, de la force, mais aussi d’un possible lien à la meute, à l’autre. Dans cette errance âpre, où chaque geste est pesé, Liam apprend – à contrecœur – à partager un peu plus que son silence même si dans le même temps cela lui rappelle la perte et sa responsabilité.
Une écriture coupante comme une lame
Ce qui frappe dans ce roman, c’est l’écriture. Sandrine Collette n’a pas besoin de grands effets pour toucher juste. Chaque phrase semble porter le poids d’un paysage, d’un choix irrévocable. Les mots claquent, comme des coups de feu dans le froid, et la tension est palpable à chaque page.
Une traversée viscérale
On était des loups n’est pas un roman qui se lit d’un souffle : il se vit, se ressent dans le corps, comme une course haletante dans un terrain accidenté. Sandrine Collette ne cherche pas à ménager son lecteur. Elle le pousse à regarder en face les zones d’ombre de ses personnages – et, par ricochet, les siennes.
Les Monolithes de Thomas Jorion : quand le béton devient mémoire !
Dans l’univers artistique de Thomas Jorion, le béton n’est jamais froid. Sous son objectif et sa vision sculpturale, il devient le réceptacle d’histoires oubliées, le gardien d’une mémoire en suspens. Ses Monolithes, œuvres hybrides mêlant photographie et matière brute, sont bien plus que des objets : ce sont des manifestes silencieux, des vestiges poétiques qui interrogent notre rapport au temps, à l’espace, et à la trace.
L'esthétique de l'abandon
Thomas Jorion, photographe reconnu pour ses explorations des lieux abandonnés, a toujours su capturer l’intangible. Avec ses séries comme Vestiges d'Empire, il a immortalisé des architectures désertées, des espaces où l’humain n’est plus qu’une ombre. Mais avec les Monolithes, il franchit une étape supplémentaire : ses photographies ne sont plus seulement des images, mais des objets tangibles. Le béton, qu’il associe à ses tirages photographiques, agit comme un écrin rugueux, presque brutal, pour des visions oniriques et mélancoliques.
Chaque Monolithe est une création unique. Jorion y fixe ses clichés sur une surface de béton, jouant avec la texture, la lumière et les irrégularités de ce matériau. Le résultat ? Une œuvre qui semble émerger d’un futur post-apocalyptique ou d’un passé lointain, où la nature et l’artifice cohabitent dans une tension fascinante.
Le béton comme mémoire
Pourquoi le béton ? Thomas Jorion l’associe à la fois à la permanence et à l’éphémère. Matériau indestructible, il porte en lui une charge symbolique forte : celle des utopies modernistes, des grands ensembles, des constructions monumentales souvent laissées à l’abandon. En choisissant ce support, l’artiste ancre ses photographies dans un dialogue direct avec l’histoire architecturale et sociale.
Les Monolithes évoquent aussi le poids de l'oubli. Les lieux que Jorion capture – piscines vides, palais en ruine, intérieurs délavés – sont des fragments d’un monde en décomposition. Mais en les solidifiant dans le béton, il leur offre une forme de pérennité, comme pour défier l’effacement inéluctable du temps.
Une poésie de la désuétude
Ce qui frappe dans ces œuvres, c’est l’équilibre entre le brut et le délicat. Les photographies, souvent baignées d’une lumière douce et diffuse, contrastent avec la rudesse du béton. On y voit des détails : un carreau cassé, une fresque effacée, une fenêtre qui s’ouvre sur un horizon flou. Ces fragments d’histoires silencieuses résonnent profondément, laissant le spectateur combler les vides avec son propre imaginaire.
Les Monolithes ne cherchent pas à embellir la désuétude, mais à en révéler la poésie. Ils capturent ce moment où l’architecture devient nature, où les murs s’effritent pour laisser place à la végétation. Une fissure dans le béton devient alors un écho de cette lutte entre ce que l’homme construit et ce que le temps détruit.
Une œuvre résolument contemporaine
Thomas Jorion, avec ses Monolithes, s’inscrit dans une réflexion profondément contemporaine. Dans un monde obsédé par l’éphémère et le digital, il choisit la lenteur, le poids, la matière. Il nous invite à ralentir, à contempler, à nous perdre dans ces paysages de béton et d’ombres.
Ses œuvres nous rappellent que la beauté réside parfois dans ce qui se délite, dans ce qui ne cherche pas à être parfait. Les Monolithes sont des monuments à l’impermanence, des totems silencieux qui nous invitent à interroger ce que nous laissons derrière nous.
Mosko : Les félins du Cabinet d’Amateur
Dans une atmosphère feutrée, Mosko, pionnier de l’art urbain depuis plus de 35 ans, a investi le Cabinet d’Amateur, situé dans le 11e arrondissement de Paris. Son exposition Tigres de papier et autres félins (du 7 au 17 novembre 2024) propose une plongée dans son univers animalier, où le félin devient à la fois motif et symbole.
Un bestiaire poétique et urbain
Gérard Laux, alias Mosko, a conçu cette série autour de pochoirs minutieusement travaillés. Contrairement à ses œuvres en milieu urbain, où les couleurs éclatantes dialoguent avec les surfaces brutes des murs, ces pièces exposées au Cabinet d’Amateur révèlent une approche intimiste. Sur papier, les tigres et autres félins dévoilent leur majesté dans un jeu d’ombres, de textures et de contrastes. Ces œuvres témoignent d’un artisanat précis, rendant hommage à la puissance et à la grâce de ces animaux souvent perçus comme des figures mythiques.
Un rendez-vous éphémère mais marquant
Bien que l’exposition soit déjà terminée, Tigres de papier et autres félins reste un jalon dans le parcours de l’artiste. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de découvrir ces œuvres, le Cabinet d’Amateur reste un espace à surveiller pour ses futures collaborations avec des figures majeures de l’art contemporain.
Pour en savoir plus sur les projets de Mosko et les prochaines expositions de la galerie, rendez-vous sur le site du Cabinet d’Amateur
Immersion dans le cycle de Syffe : une épopée de fantasy française signée Patrick K. Dewdney
Avec Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney signe une saga ambitieuse et immersive dans la fantasy contemporaine. Cette série transporte le lecteur dans un monde médiéval sombre et complexe, où la survie d’un jeune héros, Syffe, devient une allégorie des luttes humaines. Le premier tome, L’Enfant de poussière, pose les bases de cette odyssée marquée par l’apprentissage, la perte et la quête d’identité, sur fond de chaos politique et religieux.
Syffe, orphelin des rues, grandit dans une ville-frontière en proie à des bouleversements après la mort d’un roi. De serviteur à enfant-soldat, en passant par espion ou apprenti chirurgien, il traverse des épreuves déchirantes. La série excelle dans la peinture des détails : paysages brutaux, personnages nuancés et intrigues à multiples facettes. Chaque livre enrichit cet univers, abordant des thèmes comme la guerre, l’amour, et le poids de la mémoire, tout en restant enraciné dans une réalité émotionnelle universelle.
Si vous êtes amateur de fantasy exigeante, où le merveilleux se mêle à la réflexion sur les conflits humains, Le Cycle de Syffe mérite une place dans votre bibliothèque. Cette série ne se contente pas de raconter une histoire, elle plonge dans l’âme humaine avec une intensité rare.
Les deux premiers tomes L’enfant de poussière et La peste et la Vigne sont disponibles en audiobook chez Audible