BLOG CULTUREL
Les contes d'Hoffmann à l'opéra Bastille [8/10]
Retrouvailles avec l'opéra après deux rendez-vous manqué, c'est avec Hoffman que l'on se retrouve dans cette belle salle de Bastille pour une embardé poétique avec Hoffman, enivré à souhait et ses belles qui défilent, dans les brumes de l'éther de son esprit et dans le réel.
Un spectacle tout à fait sublime que cela soit au niveau du chant mais aussi de la mise en scène de Robert Carsen et l'orchestre qui est tout simplement magistral.
Cela monte doucement, fiévreusement, de la salle de bar bondé en passant pas la salle de balle qui pour certaine scènes remarquablement interprétées pourrait faire partie de l'opéra comique. La scène de l'automate est l'une d'entre elle bien évidemment. Changement de décor et la salle d'orchestre juxtaposant l'orchestre lui-même avec cette voix qui vous enlève des soupirs et cette scène dans la scène, une belle mise en abîme. Le drame est au rendez-vous mais pouvait-il en être autrement. Dans toutes ces scènes, un personnage singulier, cynique et dépourvu de toute pitié, de sympathie tire les ficelles, un véritable diable que celui-ci. Il sera difficile voire vain de s'opposer à lui. Même Hoffman y perdra son reflet, offrant à la belle ce qu'il a de plus précieux? Et tout cela pour la belle Stella, trois femmes en une.
Un très beau moment et la durée (3h35) du spectacle n'apparaît pas une seule seconde, une grande réussite. Un seul bémol à cela, le texte de l'opéra lui-même qui ma foi n'est franchement pas, à mon sens/goût, des plus original que cela soit dans le fil conducteur ou dans l'histoire elle-même
Pour en savoir plus sur les contes d'Hoffmann, un petit extrait du site de l'opéra Bastille : ?Le livret est tiré d'une pièce que Jules Barbier et Michel Carré (les librettistes, entre autres, du Faust de Gounod) avaient eux-mêmes conçue à partir de trois contes de l'écrivain allemand E.T.A. Hoffmann. Il s'agit de trois histoires de femmes manipulées, dont Hoffmann, devenu personnage central, est à la fois le narrateur et le héros. Dans tous les cas, cette quête de la femme idéale est contrecarrée par un personnage diabolique. L'univers de ces contes est délibérément fantastique et certains servirent de base à Freud pour ses théories sur « l'inquiétante étrangeté ». A la mort d'Offenbach, la partition était dans un tel état d'inachèvement qu'il fallut la compléter pour pouvoir la faire représenter. Cet état d'inachèvement est d'autant plus regrettable qu'on perçoit, dans Les Contes d'Hoffmann, un renouveau et un aboutissement de l'écriture d'Offenbach.?
Voilà, donc un très beau moment à découvrir jursqu'au 6 juin s'il reste des places ce qui est moins sûr? rendez-vous vous pour la Walkyrie? deuxième opus de l'Or du Rhin.
L'illusion comique par Galin Stoev à la comédie française [8,5/10]
Cela faisait quelques temps que je ne n'avais pas foulé de me pas le territoire de la Comédie française. De retour donc dans cet antre qui nous vient du passé c'est une soirée avec Pierre Corneille qui nous attendait avec son illusion comique.
Eh bien un grand bravo aux comédiens qui nous ont donné hier une représentation digne des grands moments, de ces instants où le temps semble suspendu entre ce texte si fort, si beau, si pleins de toutes ces subtilités qu'offre la langue française. Une densité et une maîtrise comme il en existe peu de nos jours.
L'illusion comique où le spectacle dans le spectacle, la mise en abîme qui offre une réflexion sur la vie, les apparences trompeuses et les aléas de la vie lors de cette représentation qui se dévoile sous vos yeux.
Une mise en scène où la modernité s'intègre parfaitement avec le texte et sa représentation. Des costumes sobres ma foi pour ces femmes, le rouge vous va si bien, ce rouge si particulier et ce jeu d'acteurs, quel jeu que ceux de ces femmes que sont Julie Sicard et Sulianne Brahim, la brune/blonde et la rousse, éblouissante de justesse, de maîtrise, d'émotions jusqu'à ce corps habité par le texte. Denis Podalydès est tout à fait en phase avec son personnage, ce matamore des vents a l'expression juste, le verbe juste et maîtrise à la perfection son art tout autant que son valet et bientôt maître Loïc Corbery
Voilà une comédie en 5 actes qui voit reconnu la mise en scène de Galin Stoev qui a su exploiter notre époque sans extravagance et nous rendant ainsi la proximité de cette superbe pièce, dont le texte est encore et toujours assez actuel Il faut dire que le texte ne date que de 1636?.. il y a certains auteurs qui restent éternels, Corneille en fait assurément partie
Plus d'informations sur l'illusion comique sur Wikipedia
Sur l'illusion comique Galin Stoev indique : « A mon avis, le classicisme est une gigantesque entreprise cherchant à affirmer le pouvoir de la pensée sur le chaos pour rendre la vie et la nature supportables [?] Or ce sont tous les écarts opérés par Corneille par rapport au canon du classicisme naissant qui font aujourd'hui tout l'intérêt de la pièce. Ils nous apparaissent comme une sorte de virus intelligent inoculé dans le corps du classicisme naissant, et qui nous informe d'emblée sur la possibilité de son échec ».
En un mot, une très belle pièce qui malheureusement n'est donné que jusqu'au 13 mai prochain mais enfin elle tournera peut être où reviendra de sa belle vie, en tout cas un grand bravo
Le site de la Comédie Française (en rénovation jusqu'au 9 juin prochain)
Les justes au Théâtre de la Colline [9/10]
Soyons très clair avec nous-mêmes, il s'agit d'une pièce magistrale, dense certes mais avec des acteurs formidables portant un texte qui se décline à plusieurs niveaux de manière tout à fait actuelle.
"O love ! O life ! Not life but love in death" [Shakespeare, Roméo et Juliette, acte IV, scène V]
Les justes, la dernière pièce de théâtre écrite par Albert Camus, c'était en 1949, 5 ans après l'Homme révolté ; la guerre cette tragédie sans nom, 5 ans avant la guerre d'Algérie, la guerre sans nom?
L'histoire est réelle, les faits ont réellement existé, Camus a seulement imaginé les propos, les interrogations, les doutes qui pouvaient assaillir ces hommes, ces femmes en ces instants. On est en 1905 à la veille de l'assassinat du grand duc Serge, dans une cellule du parti socialiste révolutionnaire. Une organisation centralisée qui deviendra xxx ; pour l'instant ce sont quelques personnes qui ont pris en filature depuis près de deux mois le grand duc est il a été décidé qu'il fallait le tuer, le tuer au nom de la Justice, celle des hommes, au nom de la Liberté, celle des hommes devant la tyrannie des privilèges.
Extrait du cahier-programme : "Si extraordinaires que puissent paraître, en effet, certaines des situations de la pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire, on le verra d'ailleurs, que Les Justes soient une pièce historique. Mais tous mes personnages ont réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J'ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai. J'ai même gardé au héros des Justes, Kaliayev, le nom qu'il a réellement porté. Je ne l'ai pas fait par paresse d'imagination, mais par respect et admiration pour des hommes et des femmes qui, dans la plus impitoyable des tâches, n'ont pas pu guérir de leur coeur. [Albert Camus, À propos des Justes, dans L'Avant-Scène Théâtre, spécial Camus, n°413-414,novembre 1968, p. 76]
Les personnages de la cellule « terroriste » sont au nombre de 5.
Boria, le chef qui n'est autre que Frédéric Leidgens et qui par son jeu et la granularité de sa voix, l'économie de geste incarne la conscience de la cellule, l'homme qui doit décider, donner la ligne directrice.
Alexis, le plus jeune qui n'est autre que Damien Gabriac, il admire Kaliayev, il a peur, il est encore dans l'innocence précédant l'acte,
Dora, la seule femme de la cellule, elle est en charge de la bombe, c'est Emmanuelle Béart, elle est belle dans sa conscience, sa vision et son amour impossible
Kaliayev, alias Vincent Dissez est le poète, celui qui doit lancer la bombe, accomplir l'acte qui permettra au peuple de vivre, il est le bras armé de l'Idée, il est le seul croyant parmi ses révolutionnaires, non pratiquant. Dieu est mort avec Nietzche et le Gai savoir une vingtaine d'année avant. L'Homme est face à lui-même sur cette terre et par delà, il n'a aucun compte à rendre
Stephan, joué par Wajdi Mouawad, il est celui qui est revenu du bagne, qui a su s'échapper et qui est mu par la Haine, la haine de ses semblables, il est celui qui justifie tout, qui permet tout au nom de la Justice, non pas celle des Hommes, celle de l'Organisation, du parti, il est l'archétype de la tyrannie en devenir, le bras armé pour qui l'innocence n'existe pas, plus ; celui par lequel la Terreur vient.
Extrait du cahier-programme : "Oui, l'ancienne valeur renaît ici, au bout du nihilisme, au pied de la potence elle-même. [...] C'est elle qui resplendit d'un mortel éclat sur le visage bouleversé de Dora Brilliant à la pensée de celui qui mourait à la fois pour lui-même et pour l'amitié inlassable [...]. À travers elle, ces terroristes, en même temps qu'ils affirment le monde des hommes, se placent au-dessus de ce monde, démontrant, pour la dernière fois dans notre histoire, que la vraie révolte est créatrice de valeurs". [Albert Camus, Extrait de ?Les meurtriers délicats?, op. cit., p. 208-209]
En 5 actes, la pièce séquence les différents espaces-temps, celui de l'avant, le courage qu'il faut à chacun pour appliquer les ordres. Le temps de l'après, Kaliayev n'a pas lancé la bombe, il y avait des enfants dans la calèche, la discussion qui s'en suit sur la position qu'il faudrait, aurait fallu avoir, qu'il faudra adopter si ce type de situation se renouvelle. On le sent, les tendances au sein de la cellule sont là, entre la majorité qui ne peut justifier le meurtre d'enfants innocents et Stephan qui la justifie au nom du bien de milliers d'autres. La fin justifie t-elle les moyens, la question est posée et on comprend le dilemme majeur, les contradictions qui s'en suivent.
Kaliayev lui indique : "Non j'ai choisi de mourir pour que le meurtre ne triomphe pas. j'ai choisi d'être innocent"
Nouvelle tentative, ce sera sûrement la bonne, dialogue entre Kaliayev et Dora, ils s'aiment cela est dit, cela se voit, c'est sous-jacent, mais l'Amour est-il possible dans leur vie. Est-ce qu'il est possible dans cette vie ? Tant de questions qui sont débattues.
Vient la fin du grand Duc Serge et l'emprisonnement de Kaliayev, la prison et sa rencontre avec Skouratov (Laurent Sauvage), le chef de la police, un être qui se veut au « centre des choses », qui comprend l'acte, l'Idée mais qui veut faire douter l'auteur de cet acte de libération. C'est pour cela qu'il peut rencontrer Foka (Raoul Fernandez), un simple meurtrier qui est le peuple, celui pour lequel Kaliayev a agit, ?uvré. Foka ne comprend pas, il n'aime pas Kaliayev qu'il associe à la classe dirigeante, pour ce qui compte c'est de purger sa peine le plus vite possible, c'est pour cela qu'il a accepté d'être bourreau, pour Kaliayev, c'est la fin de tout, le début du « crime organisé ».
Reste sa rencontre avec la grande duchesse (Véronique Nordey), il l'a épargnée au nom des petits neveux du grand Duc. Elle n'aime pas ces derniers, la petite fille n'aime pas, ne veut pas déjà faire l'aumône aux pauvres, elle a peu de les toucher, il l'a pourtant sauvé. La grande duchesse rejoindrait en cela Stephan. Et puis vient ce dialogue, cette résonnance entre eux sur la vie, la mort, le repentir, l'amour avec et sans Dieu. Elle veut le sauver au nom de Dieu alors que lui est en règle avec la mort et l'attend comme libération. Cette libération que Dora veut elle aussi après avoir exigé qu'on lui raconte l'exécution. Dans l'acte, c'est vers la corde, la même corde qu'elle pourra rejoindre son frère, celui qu'elle aime.
Un texte d'une densité, d'une finesse et d'une richesse que je ne peux que vous conseiller de lire, relire pour appréhender un peu mieux, un peu plus toutes les idées qui sont véhiculées, dites. Une rare complexité alliée à une langue simple, des dialogues pur, dénudés, on retrouve d'ailleurs cela dans la mise en scène très dépouillée mise en place par Stanislas Nordey.
Extrait du cahier-programme : "Camus situe Les Justes en 1905, vingt ans avant, Nietzsche a écrit ?Dieu est mort 3 ?. Dieu disparaît et n'est plus un repère, l'homme est face à lui-même. La pièce tourne autour de cet axe, plus sensible encore chez Kaliayev, seul croyant (mais non pratiquant) parmi ces jeunes étudiants révolutionnaires. Pour lui, Camus invente la légende de saint Dimitri, qui a rendez-vous avec Dieu et rencontre en chemin un paysan dont la charrette est embourbée. Il s'arrête, l'aide et quand il arrive à son rendez-vous, Dieu est parti : ?Il y a ceux qui arriveront toujours en retard au rendez-vous parce qu'il y a trop de charrettes embourbées et trop de frères à secourir?, dit Kaliayev. C'est son histoire: bien qu'ayant des rendez-vous avec Dieu, il choisit l'homme. Ses rendez-vous sont sur cette terre".
Des acteurs qui ont presque tous la même voix, sont presque les voix d'une seule et même personne qui s'interrogent tout à la fois. L'acteur s'efface devant les Idées, leurs costumes est commun, ils se fondent en un seul ou presque. Une maîtrise de l'espace de la scène, de la force du texte qu'ils vivent, à la fin, lorsque la pièce se termine, Dora reste Dora pendant quelques minutes avant de pouvoir redevenir Emmanuelle Béart.
Une pièce comme j'en avais rarement vue depuis longtemps et je vous invite à aller la voir, il s'agit d'un moment rare. Elle se joue jusqu'au 23 avril prochain.
Les acteurs : Emmanuelle Béart, Vincent Dissez, Raoul Fernandez, Damien Gabriac, Frédéric Leidgens, Wajdi Mouawad, Véronique Nordey, Laurent Sauvage
Théâtre de la Colline
15 rue Malte-Brun - 75020 Paris
Tel : 01 44 62 52 52
Stanislas Nordey - Les justes - Présentation
envoyé par www-colline-fr. - Regardez plus de courts métrages.
Cabaret Terezin au Théâtre de Marigny
Une passion au Théâtre de Marigny [6/10]
L'idée de Delphine de Malherbe était de raconter l'inracontable, cette relation qui s'est nouée entre Anais Nin et Henry Miller en 1931, la rencontre de deux êtres, de cette passion naissante et qui croît, un peu exponentiellement, ces instants qui se transforment en Amour au fil des minutes, des jours, des mois. Cette lutte aussi pour se définir, pour exister dans cette relation, les vicissitudes de chacun et tout cela a travers le journald'Anais Nin.
Un beau programme mais qui était assez décevant au final. Non pas que le jeu des acteurs, Evelyne Bouix et Laurent Grévill ne soit pas à la hauteur, au contraire même bien que comme le disait C. Laurent Grévill ne soit pas aussi représentatif d'Henry Miller ou de l'idée que l'on s'en fait. La mise en scène est assez originale, bien pensée, de petits effets qui son très bien vus, vraiment, des enchaînés, des fondus le tout avec un peu de cinématographe et d'interview de la très belleAnais et un peu de Bille Holliday...
Mais ce qu'il manque vraiment, c'est le texte, il n'est pas prenant, ne donne pas envie de lire le journal d'Anais Nin, c'est quand même le comble... un peu vide même pour tout vous dire. Donc résultat des courses, on se retrouve devant une pièce malheureusement pas aboutie en terme de fond.
Voilà donc je ne vous conseille pas spécialement d'aller voir celle-ci...