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Promets-moi d'Harlan Coben [4/10]
Franchement autant j'avais été séduit par Telle no one mais voilà que après lu son dernier roman Sans laisser d'adresse on m'a passé Promet-toi, une version antécédente, à rebours, eh bien je dois dire que c'est en quelque sorte, évidemment à quelques détails près, heureusement une sorte de remake de son dernier roman.
On retrouve les mêmes personnages que dans Sans laisser d'adresse ou presque c'est normal il l'a écrit avant mais avec moins d'aura et de forces, certaines phrases m'ont semblé être les mêmes entre les deux romans.
C'est le début avec Ali, Esperanza vient d'avoir son enfant, la grosse cindy est toujours en forme et Win est un ami et justicier hors pair?
L'intrigue n'est franchement pas terrible en soi même si l'écriture reste efficace, il connaît son job mais bon cela ne fait pas illusion non plus trop longtemps. Du coup, après celui-ci, je crois que je vais m'abstenir de le lire?
A éviter donc, on est très loin de Fred Vargas et de son Adamsberg mangeur de nuages. Je vais me remettre au vrai polar, promis?
Le premier homme d'Albert Camus [7,5/10]
Très beau roman que celui-ci. Un roman en sorte d'autobiographie, Camus aurait sans doute lissé ces aspects autobiographiques dans la version finale.
On retrouve tout d'abord Camus en France sur la tombe de son père, une promesse qu'il avait faite à sa mère qui ne fera le déplacement. Cela remue des souvenirs Jacques lorsqu'il retourne faire une petite à sa mère essaye de recueillir quelques éléments sur cet homme qui est son père, cet homme qu'il n'a pas connu et auquel on dit qu'il ressemble, difficile quête que celle-ci.
Cette quête l'emmènera sur d'autres souvenirs, plus profonds, plus proches de lui : ceux de son enfance. Enfance dans un quartier pauvre d'Alger avec une grand-mère au cheveu blanc qui régnait sur la maison et une mère d'une fragilité extrême, qui presque ne parle jamais, qui éreinté de ses ménages reste à regarder la vie qui passe pas le coin de la fenêtre.
On revient sur ces moments de l'enfance, les pantalons trop courts, les souliers, cloutés, l'école communale et puis le travail complémentaire en vue du lycée, la porte de sortie, l'avenir grâce à son instituteur qui a su déceler en lui quelque chose. Sa passion avec Pierre pour la lecture tout types confondus, les périodes de retour à la maison à la nuit, les rêves, la cérémonie du lycée? tout ces souvenirs qui font de Camus ce qu'il est, ce qu'il a été.
Le soleil est là, lui aussi, au rendez-vous ; comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, lui qui suivra partout Camus et ses écrits.
On pourra compléter sa lecture par quelques notes de lectures,
Dans la préface de l'envers et l'endroit, on peut lire : « La pauvreté, d'abord, n'a jamais été un malheur pour moi : la lumière y répandait ses richesses. Même mes révoltes en ont été éclairées. Elles furent presque toujours, je crois pouvoir le dire sans tricher, des révoltes pour tous, et pour que la vie de tous soit élevée dans la lumière. Il n'est pas sûr que mon c?ur fût naturellement disposé à cette sorte d'amour. Mais les circonstances m'ont aidé. Pour corriger une indifférence naturelle, je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. Changer la vie, oui, mais non le monde dont je faisais ma divinité. C'est ainsi, sans doute, que j'abordai cette carrière inconfortable où je suis, m'engageant avec innocence sur un, fil d'équilibre où j'avance péniblement, sans être sûr d'atteindre le but. Autrement dit, je devins un artiste, s'il est vrai qu'il n'est pas d'art sans refus ni sans consentement.».
C'est bien ça dont il est également question dans le premier homme ; la lecture croisée d'ailleurs de ces deux romans/essais est finalement assez intéressante. D'un côté on a un écrit posthume non encore terminé, de l'autre, le premier écrit publié de Camus à l'âge de 22 ans et qu'il n'a voulu rééditer que très tardivement? Or à bien y regarder, si la comparaison n'est évidemment pas possible, il y a dans certaines parties de l'envers et l'endroit un propos qui rejoint, à distance, le premier homme. On pense évidemment à l'image de cette mère, de cette grand-mère omniprésente mais pas seulement
?Et voici que je reviens sur ces choses. Ce jardin de l'autre côté de la fenêtre, je n'en vois que les murs. Et ces quelques feuillages où coule la lumière. Plus haut, c'est encore les feuillages. Plus haut, c' est le soleil. Mais de toute cette jubilation de l'air que l'on sent au-dehors, de toute cette joie épandue sur le monde, je ne perçois que des ombres de ramures qui jouent sur mes rideaux blancs. Cinq rayons de soleil aussi qui deversent patiemment dans la pièce un parfum d'herbes séchées. Une brise, et les ombres s'animent sur le rideau. Qu'un nuage couvre puis découvre le soleil, et de l'ombre émerge le jaune éclatant de ce vase de mimosas. I1 suflit : une seule lueur naissante, me voilà rempli d'une joie confuse et étourdissante. C'est un après-midi de janvier qui me met ainsi en face de l'envers du monde. Mais le froid reste au fond de l'air. Partout une pellicule de soleil qui craquerait sous l'ongle, mais qui revêt toutes choses d'un éternel sourire. Qui suis-je et que puis-je faire, sinon entrer dans le jeu des feuillages et de la lumière ? Être ce rayon où ma cigarette se consume, cette douceur et cette passion discrète qui respire dans l'air. Si j'essaie de m'atteindre, c'est tout au fond de cette lumière. Et si je tense de comprendre et de savourer cette délicate saveur qui livre le secret du monde, c'est moi-même que je trouve au fond de l'univers. Moi-même, c'est-a-dire cette extrême émotion qui me délivre du décor?
?Tout à l'heure, d'autres choses, les hommes et les tombes qu'ils achètent. Mais laissez-moi découper cette minute dans l'étoffe du temps. D'autres laissent une fleur entre des pages, y enferment une promenade où l'amour les a effleurés. Moi aussi, je me promène, mais c'est un dieu qui me caresse. La vie est course et c'est péché de perdre son temps. Je suis actif, dit-on. Mais être actif, c'est encore perdre son temps, dans la mesure où l'on se perd. Aujourd'hui est une halte et mon c?ur s'en va à la rencontre de lui-même. Si une angoisse encore m'étreint, c'est de sentir cet impalpable instant glisser entre mes doigts comme les perles du mercure. Laissez donc ceux qui veulent tourner le dos au monde. Je ne me plains pas puisque je me regarde naître. A cette heure, tout mon royaume est de ce monde. Ce soleil et ces ombres, cette chaleur et ce froid qui vient du fond de l'air: vais-je me demander si quelque chose meurt et si les hommes souffrent puisque tout est écrit dans cette fenêtre où le ciel déverse la plénitude à la rencontre de ma pitié. Je peux dire et je dirai tout à l'heure que ce qui compte c'est d'être humain et simple. Non, ce qui compte, c'est d'être vrai et alors tout s'y inscrit, l'humanité et la simplicité. Et quand donc suis-je plus vrai que lorsque je suis le monde ? Je suis comblé avant d'avoir désiré. L'éternité est là et moi je l'espérais. Ce n'est plus d'être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d'être conscient.?
Et puis il y a cette poésie enfin pas uniquement, plutôt cette voix qui de la préface nous emmènes dans sa vie, la remonte, retrace, revient sur ces écrits sur la manière qu'il est, a vécu, survécu, sur ces doutes, ces incertitudes; ce qui l'a sauvé aussi, surtout..
« Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre », ai-je écrit, non sans emphase, dans ces pages. Je ne savais pas à l'époque à quel point je disais vrai ; je n'avais pas encore traversé les temps du vrai désespoir. Ces temps sont venus et ils ont pu tout détruire en moi, sauf justement l'appétit désordonné de vivre. Je souffre encore de cette passion à la fois féconde et destructrice qui éclate jusque dans les pages les plus sombres de L'Envers et l'Endroit. Nous ne vivons vraiment que quelques heures de notre vie, a-t-on dit. Cela est vrai dans un, sens, faux dans un autre. Car l'ardeur affamée qu'on sentira dans les essais qui suivent ne m'a jamais quitté et, pour finir, elle est la vie dans ce qu'elle a de pire et de meilleur. J'ai voulu sans doute rectifier ce qu'elle produisait de pire en moi. Comme tout le monde, j'ai essayé, tant bien que mal, de corriger ma nature par la morale. C'est, hélas ! ce qui m'a coûté le plus cher. Avec de l'énergie, et j'en ai, on arrive parfois à se conduire selon la morale, non à être. Et rêver de morale quand on est un homme de passion, c'est se vouer à l'injustice, dans le temps même où l'on parle de justice. L'homme m'apparaît parfois comme une injustice en marche : je pense à moi. Si j'ai, à ce moment, l'impression de m'être trompé ou d'avoir menti dans ce que parfois j'écrivais, c'est que je ne sais comment faire connaître honnêtement mon injustice. Sans doute, je n'ai jamais dit que j'étais juste. Il m'est seulement arrivé de dire qu'il fallait essayer de l'être, et aussi que c'était une peine et un malheur. Mais la différence est-elle si grande ? Et peut-il vraiment prêcher la justice celui qui n'arrive même pas à la faire régner dans sa vie ? Si, du moins, on pouvait vivre selon l'honneur, cette vertu des injustes ! Mais notre monde tient ce mot pour obscène ; aristocrate fait partie des injures littéraires et philosophiques. Je ne suis pas aristocrate, ma réponse tient dans ce livre : voici les miens, mes maîtres, ma lignée ; voici, par eux, ce qui me réunit à tous. Et cependant, oui, j'ai besoin d'honneur, parce que je ne suis pas assez grand pour m'en passer !?
Janua Vera par Jean-Philippe Jaworski [6/10]
Dans l'ensemble les nouvelles, petites ou grandes histoires sont bien écrites, peut être parfois un peu trop de détail à mon goût mais ma foi le c?ur de l'histoire est là pour nous mener vers les pistes de réponses, le c?ur de l'intrigue. J'ai particulièrement apprécié l'histoire qui la guilde des voleurs où il est question de pouvoir, de stratégie. Elle est ma foi assez bien menée et assez prégnante. L'histoire de la veuve éplorée et du chevalier aux épines est elle aussi de premier choix et vous ravira. Pour ce qui est de la dame de la forêt, il y a encore une part de mystère qui reste entière, inexpliquée et c'est bien ainsi. L'histoire de suzelle est elle aussi assez belle, avec cette part féerique, cet être sorti de nulle part qui flotte sur les marais, que le temps n'atteint pas, ces instants où la beauté et le rêve ne font qu'un, des croisements de mondes qui ne s'ouvrent que ponctuellement. Voilà, un recueil qui se laisse lire tranquillement pour retrouver à un autre âge un part d'un autre monde.
A bas l'utile par Bernard Noël
Intéressante lecture que celle d' « A bas l'utile » de Bernard Noël, une réflexion qui porte notamment sur la communication, cette notion qui a été de fait pervertie de part les médias perdant en cela une grande partie de son sens premier. Il est désormais réduit et associé à la « propagande » et au « commerce ». En ce sens c'est notre « intérieur » qui est dés lors soumis au bon vouloir des medias alors qu'il était auparavant, préservé ; un changement pour le moins radical. Il relie cela au propos tenu par la notion de « cerveau disponible » évoqué par un grand patron de chaîne. Faire croire aux individus qui petit à petit perdent ainsi leur véritable citoyenneté au profit de la notion de « public » prêt à consommer, à absorber des images, des images, toujours plus nombreuses. Ce faisant l'individu se retrouve finalement noyé dans un magma d'informations qui se vident pratiquement de leur sens tout en ayant l'impression de connaître, d'appréhender? « ce flux visuel, comme on le sait occupe l'espace mental, mais on ne soulignera jamais assez qu'il doit son pouvoir d'occupation au fait qu'il est à la fois dans les yeux et devant eux de telle sorte qu'il n'y a plus aucune différence entre ce qui est représenté dans votre intériorité et la représentation extérieure que celle-ci devrait en projeter si l'emportement du flux ne l'empêchait de réfléchir. Pas de marge pour la réflexion, pas de marge pour l'imagination. En somme, pas de marge pour la liberté de penser, c'est le but de la domination de l'immatériel »
Il continue en se questionnant sur les nouveaux modes de lecture et bascule sur « Lignes », une revue qu'il écrit depuis quelques 20 années avec en arrière plan cette phrase de Georges bataille « Nous avons cessé d'être à la hauteur de vérités premières, mais elles ne cessent pas d'être pour autant ». Ces interrogations le ramenant pour lui à « la victoire du reflet sur l'intériorité avec pour conséquence la primauté de l'image sur le verbe grâce au règne des media ». Les élections se transformant pour lui en un vaste spectacle navrant où ce qui importe est l'image et non le fond évidemment, on retiendra le mot de Debord indiquant « On peut garder le nom, disait Debord, quand la chose a été secrètement changée » ce qui semble être le cas avec notre société contemporaine et en particulier tout ce qui touche au politique.
Au final on arrive à une situation ou la démocratie se vide de sa substance où plutôt la représentation que s'en font les individus
Voilà quelques éléments de cet ouvrage intéressant publié chez Publie.net