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La cité des jarres de Arnaldur Indridason


Voilà un petit polar très actuel qui nous emmène sur la terre d'Islande, pays peu connu généralement de part son isolement, environnement souvent protégé où il faudrait d'ailleurs que je fasse un petit tour à l'occasion car il semblerait que les paysages sont sublimes. Le climat est rude... il y a peu de crimes bizarres mais lorsque l'on retrouve un vieil homme mort dans son appartement avec un petit mot énigmatique à ses côtés, c'est àErlendur Sveinsson que l'enquête est confié, c'est un personnage à lui tout seul, divorcé vivant seul avec deux enfants qui sont un peu drogués et avec qui il a du mal à parler, à discuter... même s'il les aime vraiment... C'est un peu unAdamsberg dans un autre style à vrai dire... moins vaporeux et nuageux mais on s'attache vite à lui, il fait partie de l'ambiance.

Alors que s'est-il passé et pourquoi Holberg a été assassiné ? C'est en fouillant dans le passé de cet homme d'apparence tranquille que les pièces du puzzle vont petit à petits'emboîter et donner corps à un réalité sombre et noire... C'est un violeur, obsédé par les films pornographiques et qui a eu maille à partir avec de sinistres individus qui sont soit en prison soit ont mystérieusement disparu de la surface de la terre depuis des années... qu'est-ce qui se cache derrière cet imbroglio et qui est derrière cette photo, on dirait une inscription sur une pierre tombale... d'indices en indices, les personnes ressurgissent du passé et la cité des jarres, endroit où était entreposé des organes volés pour autopsie réapparaît; en parallèle c'est la banque de donnéesd'islande nouvelle cité des âmes perdues qui est au coeur de la tourmente...

Un bon petit polar à découvrir, vous vous laisserez agréablement porté par l'ambiance et les rebondissements, attachant...

En arrière plan, la question de la génétique et de l'accès à ses données : "Le 17 décembre 1998, le Parlement islandais a adopté une loi permettant de collationner les informations médicales relatives aux 270.000 citoyens de l’Islande dans une banque de données centrale. Seuls ceux qui s’y opposent officiellement ne seront pas fichés. Parallèlement, le gouvernement a octroyé l’exclusivité d’accès à cette banque de données à l’entreprisebiotechnologique Decode . Celle-ci peut ainsi coupler les données médicales des Islandais à sa propre banque de données qui contient l’arbre généalogique de chacun d’eux sur mille ans ainsi que les résultats des tests génétiquesqu’elle a effectués ".

On peut lire dans un extrait de l'article de Catherine Vincent dans le journal Le Monde du 18 décembre 1998 : "La démarche proposée par DeCode Genetics est bien connue des spécialistes de génétique humaine. Elle est même considérée comme la meilleure pour rechercher les gènes impliqués dans de rares maladies héréditaires. Le choix de la population islandaise ? Bon, a priori. « Il s'agit d'une petite population avec un fort effet fondateur [c'est-à-dire issue d'un petit groupe de départ, qui présente donc l'avantage de concentrer certains gènes rares à des fréquences nettement plus élevées que la moyenne », précise AndréLanganey, généticien des populations au Muséum nationale d'histoire naturelle (Paris) et à l'université de Genève . Selon lui, le seul scandale est ici de songer à « vendre, de cette manière, des données de cette nature ». A cet atout s'ajoute l'effectif réduit de la population, qui permet d'espérer reconstituer sans trop de mal sa généalogie. « Le principal problème, dans cette affaire, est qu'elle comporte une composante commerciale totalementextra-scientifique », insiste André Langaney . Une dérive d'autant plus dommageable que le projet est indiscutablement riche de promesses au plan scientifique et médical, comme l'ont montré les programmes de recherche similaires déjà menés dans le monde. L'idée de croiser données médicales, génétiques et généalogiques pour débusquer les gènes impliqués dans de rares maladies héréditaires n'a rien de nouveau. Elle constitue, depuis trente ans, le pilier de la génétique médicale. Et plus encore depuis que le programme de recherche internationale « Génome humain » a permis de « baliser » l'ensemble de nos chromosomes de plusieurs milliers de « marqueurs »".

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1275 âmes ou pop 1280 de Jim Thompson

1275 âmes (traduction française) ou pop 1280 (Version originale) ou comment noirceur et candeur vont de paire.

Lorsqu'un jour Nick Corey le shérif de Pottsvilles se réveille et en a marre, tout va changer, enfin insidieusement s'entend, la manipulation, la traîtrise et tous les stratagèmes les plus vils seront employés par Nick pour qu'il garde sa place de shérif, sous couvert des meilleures intentions du monde, il va se livrer à un jeu de stratégie grandeur nature, tirant partie en cela de la nature humaine profondément malléable surtout dans ce petit patelin complètement paumé et plein de soiffards, feignasses... Sur fond de racisme, dans un espace-temps proche du Far West et peut être bien encore d'actualité même à l'heure d'aujourd'hui, c'est un portrait sans concession de l'âme humaine qu'il nous permet d'entrevoir. On est loin d'être dans une enquête à la Vargas on est plus dans l'étude de moeurs et de comportements... le noir est là qui assombrit l'avenir de Pottsville...

Il est clair que Nick Corey est de ces personnes qui n'ont aucun vague à l'âme et pour qui la parole donnée ne veut rien dire. Que ce soit Ken Lacey le shérif conseil de Nick, les deux maquereaux, Tom Hauck ou encore Oncle John, Sam Gaddis et puis Rose, Myra et Lennie ils vont entre-apercevoir l'enfer ou même y gouter... c'est mérité pour certains; la vengeance n'est pas là, c'est plutôt de sang froid que tout s'accompli et sans aucune doute sur le bien fondé du comment ou du pourquoi, une sorte d'ange gardien rode autour de Nick ou peut être est-il plus subtil qu'il n'apparaît ou qu'ils sont tous stupides là-bas... allez savoir en tout cas, un petit polar ou la noirceur de l'âme est agréablement à porté de main...

On peut lire en exergue dans la préface de Duhamel : "Jim Thompson n'est pas un auteur drôle. Habituellement, ce qu'il écrit est nettement couleur d'encre. cette fois, il a choisi le noir absolu, couleur de néant. C'est proprement insupportable, inacceptable, presque. mais le paquet est si habilement présenté... (...) Bref, suivant l'angle où l'on se place, l'ouvrage est ou bien une apologie de l'abomination, ou bien un réquisitoire contre toutes les vacheries du monde , ou encore, comme je le disais tout à l'heure, une bouffonnerie". Et de terminer par cette excellente phrase "j' savais foutre point c' qu'i' fallait en penser"

Voilà voilà à vous de voir maintenant....

Et pour l'explication du changement de titre dans la traduction voir l'article sur 1280 âmes de Jean-Bernard Pouy

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1280 âmes de Jean-Bernard Pouy

Retour au petit polar, petit de part sa taille d'une part et puis également de par son contenu... j'avoue avoir été un peu déçu par cette petite tranche de vie. L'enquête n'est pas celle que l'on croit; il s'agit, de comprendre pourquoi la traduction française de ce roman dont le titre original est Pop 1280 est devenu 1275 âmes, qu'est-ce qui a bien pu amener MarcelDuhamel a changé ce titre et où sont passés les cinq âmes manquantes ?

Voilà la question que devra résoudre Pierre de Gondol, le plus petit libraire de Paris mais un des mieux renseignés, un de ces esthètes que seule la passion anime, passion héritée d'une malle importée contenant des milliers de volumes, il lui a suffit d'en vendre quelques uns pour pouvoir s'établir et il est devenu depuis l'incontournable monsieur du grand Paris des spécialistes... Mais comment et où va le mener cette enquête  littéraire qui  rentre dans les arcanes debiblio polarophiles ? Aux Etats-Unis bien sûr.... dans le sud profond et pittoresque aux côtés d'Iris... la délurée...

Bon après quelques recherches sur Internet, je comprends mon léger désarroi devant cette contre enquête qui a un air de vérité, le numéro 1000 de la série noire existe bel et bien et la version de Jim Thompson écrite en 1964 est bien là également, la traduction par Duhamel en 1966 (le fameux numéro 1000) elle aussi avec ce titre dégradé, Duhamel avait identifié ces 5 âmes en peine sans vraiment les expliquer... 


Aussi je comprends mieux et voit d'un oeil différent ce bouquin d'introspection sur un polar original et sa traduction elle aussi originale, sur lesrapports entre les oeuvres et l'importance que revêt la traduction et sur ma totale inculture en matière de polar (c'est vrai récemment abordés mais quand même). Enfin, on est là pour en apprendre tous les jours, c'est ce qui compte après tout...


D'autant que dans ma mini-enquête, je me suis du même coup rendu compte que Pierre de Gondol avait été initié par Jean-Bernard Pouy et que le plus petit libraire de Paris qui navigue dans ses 12m² a d'autres enquêtes à son compte et même une collection à part entière, la sérieintello-populairePierre de Gondol qui comprend 5 titres (mais je suis peut être un peu en retard... ou la collection a peut être également fait une pose...) Jean-Bernard Pouy avec "1280 âmes", Rémi Schulz et "Sous les pans du bizarre", Philippe Kerbellec avec "La Montre du Mède", Roland Brasseur et "Le 54e jour" et enfin Bertrand Delcour avec "L’envers c’est les autres". Bien entendu je ne connais aucun de ces titres... vous me direz s'il y en a d'autres à découvrir...



Bon voilà donc en faisant le chemin à l'envers, il ne me reste plus qu'à lire le texte à l'endroit, c'est à dire à la lire la traduction française par Duhamel du roman de Jim Thompson "1275 âmes" dans la fameuse collection série noire de Gallimard....

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Histoire secrète du MOSSAD de 1951 à nos jours de Gordon Thomas

Voilà un livre qu'a littéralement dévoré S.; je me disais que cela ne pouvait qu'être intéressant, alors me voilà dans les méandres de l'espionnage et du contre espionnage. Au coeur même du MOSSAD, le célèbre service de renseignement israélien qui depuis maintenant plus de 50 ans est toujours considéré comme l'un des meilleurs services de renseignement de la planète. IL a eu des hauts et des bas comme comme tout service, son apogée étant la période pendant laquelle où le directeur général était Meir Amit, l'inégalable et puis on retrouve une figure charismatique qui a trempé dans de nombreuses affaires complexe dont l'Affaire Pollard, c'est Rafi Eitan.
Entre dépeçage de Mig 21, enlèvement d'Adolf Eichman, livraison et diffusion de Promis le célèbre logiciel, guerre du Kippour, la construction de la centrale nucléaire Dimona, le raid d'Entébée, l'infiltration de l'OLP, Robert Maxwell ambassadeur de charme pour un temps, élimination des organisateurs de Septembre noir, découverte du commanditaire de l'assassinat du Pape, maîtrise de l'Afrique et guerre larvée avec la Chine, formidable coopération avec lesEtats-Unis malgré leur vision souvent erronée, trop sophistiqué et électronique du renseignement.

Il y a également les heures sous silence où le MOSSAD est dans l'ombre allant jusqu'à réaliser l'opération en entier comme ce fut le cas avec l'arrestation d'Ocalan par exemple mais sinon ils sont derrière nombres d'opérations en fournissant des informations de premières mains ou pas, mobilisant leur réseau et parmi eux lessayanims qui sont la base, viennent ensuite les katsas et les kidons pour terminer ce qui a été initié et décidé en haut lieu.

Retour sur un épisode de la guerre froide qui a enlevé en substance du moins le droit à la CIA de tuer en 1970 à la suite d'une tentative d'assassinat de Fidel castro ce qui n'est pas le cas du MOSSAD avec ses kidons. Les accidents, les morts mystérieuses, les envois vers les crocodiles et plus encore sont là pour peupler ce récit et faire froid dans le dos, ils sont là pour contrer leurs ennemis les plus proches, les plus dangereux, ils veillent dans l'ombre. C'est une guerre ouverte qui a lieu et c'est loin d'être terminé... On retrouve également quelques informations concernant les liens entre la finance internationale et le terrorisme, le blanchiment d'argent et le rôle des banques et intermédiaires, c'est un peu la boîte de pandore à voir ce qu'il ressort seulement de ce qui est du domaine publique et a pu être publié dans ce livre; n'imaginons même pas ce qui nous est caché, les frissons sont déjà là... retour également sur les errances de l'administration Bush surl'Irak et l'axe du mal, du rôle des évagélistes et de la religion aux Etats-Unis...

C'est entre ses heures de gloire et de détresse car il y en a eu que nous invite Gordon Thomas. Il passe en revue l'ensemble des grandes manoeuvres diplomatiques du monde moderne que nous avons connu sous un certain angle; leLAP, service de propagande du MOSSAD est impressionnant. Absence de compromission également du MOSSAD. le dessous des cartes est intéressant à envisager avec Gordon Thomas . Il est vrai que tout bon livre d'espionnage au sens large comprend une part de fiction, celui-ci n'y échappe pas mais on a le sentiment que c'est bien réel et que cette vision est proche de la réalité du terrain.

En tout cas, une  belle réalité de l'espionnage moderne à lire, vous allez dévorer ces quelques 600 pages.

Cela me rappelle l'excellent film les patriotes sur l'affaire Pollard réalisé en 1994 par Eric Rochant avec Yvon Attal et bien sû le plus récent Munich de Steven Spielberg surSeptembre noir.

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Diane Arbus ou le rêve du naufrage de Patrick Roegiers


Voilà que je viens de terminer laborieusement la biographie de Diane Arbus (alias Diane Nemerov, née à New York en 1923) par Patrick Roegiers, non pas qu'elle ne soit pas intéressante, au contraire même mais le temps n'est malheureusement pas extensible à loisir... On y apprend plus que Diane elle-même semblerait -il; on y rencontre les photographes qui ont pu la côtoyer pendant cette période intense qui a été celle de construction de son oeuvre.

Oeuvre immense dans laquelle, je désire maintenant me plonger, il semblerait que le livre Révélations soit un bon commencement pour voir quelques oeuvres photographiques de Diane Arbus. En effet, c'est un peu le seul regret de ce livre, il est question de Diane Arbus, de dizaines de grands photographes, de photos évidemment mais sans que jamais il soit possible d'en voir une seule, c'est assez frustrant je dois dire, on a envie de les voir, de les palper, de les reconnaître, de s'en souvenir et cela fait diablement défaut.

Alors voilà, on a la théorie, on a le contre point de vue à Susan Sontag et à sa biographie, on voit le parcours de Diane, élève de Lisette Model; des témoignages de ses filles et puis cette extraordinaire capacité de Diane Arbus à s'extraire et à voir le beau dans son côté négatif, dans cette création en opposition avec tous les schémas classiques. Ce n'est pas du rejet mais de la fascination, pas du voyeurisme au contraire, de la pudeur et de l'extrême respect pour ces hommes et femmes qu'elle va suivre, irradié de lumière, de sa lumière, ce sont des amis devenus qu'elle prend en photographie, elle est proche, elle est vrai et sincère dans ces photographies.

Cette biographie réédité 20 ans après sa première parution, permet de parcourir avec les yeux et la sensibilité de Patrick Roegiers à travers la vie et les oeuvres photographiques de Diane Arbus. Il nous dépeint les monstres qui ont peuplés son existence, l'étrange qui est ici bas et son travail démiurgique en quelque sorte de reconstruction d'un Eden, d'un autre monde négatif de celui actuellement.

Pour elle, il n'y a pas de descente aux enfers, c'est plus une fascination pour ces êtres. Mais il n'y a pas qu'eux, loin de là, il y a la solitude des hommes et des femmes mais aussi le vieillissement et la désagrégation progressive mais inéluctable du corps. Puis également des séries sur les nudistes avec la fonction sociale de certains accessoires; elle a cette capacité à s'immerger dans des mondes complexes et à en tirer la substance. Les déviations sexuelles, entre homosexualité et transsexualisme sont également abordés de plein fouet par Diane Arbus qui va jusqu'à photographier des siamoises enfermées dans leur bocal; on apprend un peu plus sur ce type de  gémellité  complexe, ce pas vers l'androgyne parfait d'avant la chute vers lequel peut être un jour nous tendrons... L'étrange fait irruption dans notre monde et elle le circonscrit et l'analyse à travers son regard, sa vision d'une justesse effroyable et d'une précision inégalée. L'enfer du couple et de la famille est également un de ces sujets d'alors qui n'était pas abordé et pas de cette manière encore aujourd'hui, cette horreur du toucher...

Le plus important reste pour elle la relation qui passe entre le photographe et la personne photographiée.

Bon, je vous conseille de le lire et le relire, c'est un livre à découvrir, approfondir et auquel il faut revenir assurément

Un site non officiel de Diane Arbus

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