BLOG CULTUREL
Peintures récentes de Richard Harper à la Galerie Alain Blondel
Ce qu'il y a de fascinant avec les toiles de Richard Harper, cet artiste californien qui vit en Normandie, c'est le réalisme, l'hyperréalisme si l'on peut dire.
C'est cette capacité à transcrire dans la toile, sur le papier avec toute la finesse et toute la justesse les traits d'une personne, son corps, ses cheveux, jusqu'au plus fins détails des pieds... C'est cette texture de peau qui vous parle d'ambler lorsque vous êtes face à ces toiles, on pourrait presque croire à un instantané tellement l'impression de vie est présente. Un seul bémol, cette analyse s'arrête au corps, le visage ne permet pas, pas encore ou jamais... ce rendu infini, il tranche et nous renvoie à la réalité du réel et de la toile. Il le dit lui-même d'ailleurs "La plupart de mes personnages n'ont pas de visage parce que le visage est trop personnel, il détournerait l'attention de l'observateur qui ne verrait plus le tableau dans son ensemble".
C'est le corps qui est mis en avant, dénudé, sans atour que les fragments qui le compose, le corps à l'état naturel qui subjugue, intrigue, émeut, il est là devant vous finement ciselé, les cheveux sontpresque palpables. Il s'agit pour nous de nous immerger progressivement dans le monde créé par Richard Harper et s'interroger sur nous-mêmes : "Sans vêtement ni accessoire susceptible de conditionner l'oeil, la nudité permet de focaliser l'attention sur le corps uniquement. Corps unique car semblable mais différent à tous les autres, anonyme mais individualisé. Devant cette présence illusoire de corps si parfaitement recréés, Richard Harper nous confronte à notre propre image. Se regarder objectivement, dépouillé de tout jugement a priori, est un exercice bien délicat. Au-delà de notre réalité physique se pose la question d'une autre réalité tout aussi essentielle, immatérielle et impénétrable. Harper nous laisse libre ici d'achever notre description par cet attribut indicible qui nous subsiste ou non ?"
L'exposition est en place jusqu'au 22 janvier, avis aux amateurs...
Galerie Alain Blondel
128 rue Vieille du Temple - 75003 Paris
Tel : 01 42 78 66 67
Emil Nolde au Grand Palais [9/10]
Fred Deux et Cécile Reims à la Halle Saint Pierre [A voir]
Découverte d'un oeuvre, enfin plutôt de deux oeuvres. Mais, c'est d'abord l'histoire d'une rencontre entre deux personnes, Fred deux et Cécile Reims au centre Pompidou devant un tableau de Paul Klee. C'est une longue histoire qui perdure encore 60 ans après et c'est un parcours artistique aussi.
«J'occupe un point originel de la Création, un point reculé à partir duquel je suppose des formules appropriées à l'homme, à l'animal, au végétal, aux pierres et à la terre, à l'eau et à l'air, à l'ensemble des forces cycliques. Des millions de questions cessent comme si elles étaient résolues. Là, ni dogme, ni hérésie : le possible y est sans bornes et la croyance en lui vit en moi, créatrice... L'Art ne reproduit pas le visible, il rend visible.»
Découverte de l'oeuvre de Fred Deux et de celle de Cécile Reims à la Halle Saint Pierre. Une exposition qui permet d'avoir une vision d'ensemble d'une vie d'artiste, un cheminement dans leurs oeuvres artistiques respectives. On part des années 59-60 jusqu'à nos jours ce qui permet de suivre les chemins où ils ont pu s'arrêter.
Cela commence avec de la couleur, des formes et un rendu mythologique et puis ce tableau du voyage de Jonas, on est déjà en partance, car c'est quand même de voyages dont il nous parle, des voyages qui nous emmènes dans la Grèce antique avec Ulysse, des voyages qui nous emmènes sur des rivages inexplorés, perdu dans la mémoire des souvenirs de Fred Deux et de sa capacité à créer des mondes, des cosmogonies presque. On se sent happer par cet univers en construction, en mouvement. Comme dirait Yves et je serai assez d'accord avec lui, on est dans l'univers du rêve, de cet état qui prévaut lorsque la maîtrise des formes et de l'essence se perd, s'évanouit pour se fondre en un magma créatif, un noyau où tout s'interpénètre, où la vision n'est qu'une et où tout devient lumière.
Mais on n'oubliera pas cette phrase lu dans le voyage au fond de soi, de Cécile Reims : "Fred Deux me fit découvrir une autre voie : celle qui n'a pas de destination, un chemin âpre, périlleux où j'allais pouvoir mettre en pratique les paroles de Rabbi Nachman de Bratslav : "Ne demande pas ton chemin à qui le connaît, tu risquerais de ne pas t'égarer".
Il n'y a pas toujours de sens, de direction, la création suit ses propres lignes de forces, ses cheminements, ses hasards, ses arrêts aussi. C'est cette force qui permet également d'aller plus loin, de se découvrir et de découvrir d'autres univers, d'autres manière de voir et de toucher.
Une oeuvre protéiforme faites de patience et de découvertes, de mondes et de détails, de rencontres aussi telles celle de Cécile Reims et Hans Bellmer, de cet univers si particulier dont il est sorti des dessins, on peut les voir dans la petite salle à gauche, rencontre de deux artistes et un monde qui s'ouvre, l'amour, le sexe, la vie en représentation, j'aime tout particulièrement cet univers surréaliste qui est mis en scène cette manière de voir les choses sous un autre angle, l'appréhension de l'autre de l'intérieur, de cette manipulation/instrumentalisation du regard en quelque sorte.
Et puis, aussi, pour y revenir, cette oeuvre du début, plus réaliste illustration d'une oeuvre de Bunuel, montrant la vraie nature des gens, des choses, des bêtes. Ils sont assez sublimes ces dessins, on aimerait les avoir près de soi car ils font partie d'un autre monde presque palpable, presque fantastique mais si proche. Rentrez également dans l'oeuvre poétique.... avec ce poème recopié mais il y en a tant d'autres...
Les sourciers de l'abîme
"Si je disais de quels hommes
de quel abîme
de quelle source je parle
vous vous détourneriez de moi
Je deviens méconnaissable en ces traversées
dont je sors épuisé,
Encore inquiet de mes blessures
le temps de m'éloigner effacera la plaie
Encore lourde, belle comme la mort"
Ceci mérite bien évidemment que l'on s'y arrête plus en détail, que l'on fouille les arcanes de la mémoire, de leur mémoire et de leurs oeuvres que l'on se penche plus avant dans la découverte et le sens de leur travail mais déjà, allez vous rendre compte par vous même de ce travail, de cette force créatrice qui est là, en suspens aux Halles Saint Pierre., c'est une belle rétrospective...
En complément, lisez si le coeur vous en dit ce qu'en pense Frédéric-Charles Baitinger ou La Peau de l'Ours .... cela devrait plaire à Lunettes Rouges également... et bien entendu le site de l'exposition aux Halles saint Pierre.
C'est tous les jours de 10h à 18h jusqu'au 8 mars 2009.
Halle Saint Pierre
2 rue Ronsard - 75018 Paris
Tel: 01 42 58 72 89